Voici des petits textes de mon cru, que je n'ai écrits dans aucun autre but que celui de profiter du plaisir qu'est devenu pour moi l'Ecriture.
Une petite histoire (01/04/97)
C'est l'histoire d'un type. Ordinaire, ou plutôt non, anormalement non semblable aux autres de sa trempe et de son âge. Ce n'était pas le genre de type à suivre les autres pour se faire bien voire, ah non alors. Il était plutôt du genre à faire ce qu'il aimait, sauf quand ça dérangeait ses semblables. Car il avait horreur de déranger. Toujours est-il qu'il avait le défaut d'aimer les belles choses, en particulier les belles créatures féminines. Il avait bien souvent rêvé et imaginé des scénarios idéaux liés aux femmes de son âge et ô combien il aurait donné pour les voir se réaliser ! Le problème venait du fait qu'en ce monde, l'absence de respect totalement aveugle et aveuglement total aux tendances des groupes était toujours sanctionnée de rejet, en particulier de la gente féminine qui pensait avoir déjà avoir assez à faire avec les gens "normaux". Les quelques amitiés qu'il s'était faites parmi cette classe prépondérante dans la pensée et l'obsession des jeunes hommes n'étaient que superficielles et douteuses. La dernière créature en date qu'il avait repérée était, comme c'était toujours le cas, l'objet du collimateur de nombreux concurrents, ou plutôt de plusieurs individus supérieurs en la matière de cour des femmes. Dès le début, il avait été saisi par la vivacité du regard de la demoiselle et par l'attrait qu'aurait provoqué sa silhouette à n'importe quel homme normalement doté d'instinct reptilien. Les traits de son visage étaient fins au point de relayer le fil de nylon à l'aspect du fil de fer et l'adéquation parfaite de tous les éléments constituant sa silhouette suggérait l'harmonie la plus parfaite au plus profond de l'esprit de celui qui la regardait.
Chaque fois qu'il passait à proximité d'elle, notre type avait l'impression de ne jamais s'être rendu compte d'un évident inesthétisme de sa propre apparence. Chaque fois qu'il l'entendait parler, il prenait conscience d'une expression douteuse de ses propres paroles, couronnée d'une voix des plus désagréables. Il éprouvait une honte chronique à se trouver dans le même lieu qu'elle et une inépuisable solitude à se trouver ailleurs. Elle hantait ses pensées comme ses rêves, ses fantasmes comme ses cauchemars et ses impulsions comme ses actes. Il entendait sa voix à tout moment et s'imaginait perpétuellement la rencontrer partout où il allait.
Malheureusement, la vérité était bien loin de la fiction qu'il se créait. A défaut de se rendre compte que la beauté de la personne ne pouvait être complète sans une homologue de l'âme et que la perfection n'était pas de ce monde, il continuait à lui prêter un esprit aussi vif qu'intelligent, respectueux et discipliné. Encore que personne n'eût pu discuter l'évidente intelligence de cette femme, le stade où en était l'évolution de sa mentalité aurait dû avoir choqué notre type. La servitude béate qu'elle octroyait à la mode et aux courants tout aussi ridicules qu'ils fussent n'avait d'égale que la place démesurée qu'elle accordait à son image de marque. Il était, certes, indubitable qu'elle avait un potentiel de rapprochement de la perfection peu ordinaire, mais déjà la société avait corrompu la raison qu'elle aurait dû avoir de s'en servir et avait masqué ces qualités qui ne demandaient qu'à se libérer. Notre type avait failli apercevoir cela à l'époque où son sentiment déjà condamné à la perte ne l'avait point encore aveuglé. C'était maintenant trop tard : l'attrait physique qu'avait exercé si injustement cette demoiselle sur lui avait annihilé ses facultés analytiques.
Contrairement à ce qu'on aurait pu penser, la prise de conscience des défauts bien réels de cette femme ne se fit pas de façon indolore pour lui. Même s'il avait appris à encaisser les coups durs, comment ne pas sombrer dans la mélancolie face à une telle ironie du sort que celle de voir une personne aussi potentiellement proche de la perfection refuser de l'atteindre par simple souci de sa popularité mondaine, trop souvent l'objet de la convoitise de nombre de prétendants de tous niveau de mentalité et de tous caractère ? C'est tout juste si elle connaissait, de loin, notre type et il savait bien que toute tentative d'approche serait contrainte d'avorter avant même d'avoir pu affirmer son intention. Mais en lui-même, il avait commencé à penser normalement. Aussi, face à une telle débauche de l'esprit de société, il avait fini par s'apercevoir de la réalité.
Il eut une peine infinie à se débarrasser des assauts inconscients et déloyaux de sa dame et dut même, en désespoir de cause, écrire une lettre non signée à celle-ci lui relatant tous les faits sous une forme de texte demandant réflexion et analyse pour la lectrice. Il fut alors un tant soit peu satisfait de voir, par l'air affairée qu'elle eut le lendemain de la réception de la lettre, que cet acte n'avait pas été vain. Il dut cependant poursuivre ses efforts pour essayer de noyer ses désillusions dans les instables prisons de l'oubli.
Il finit par y parvenir, ce qui fut conforté par le changement de lieu d'habitation qu'il dut effectuer.
Aujourd'hui, il est toujours à la recherche de plus de gens disposés à le comprendre et à l'accepter tel qu'il est. Il se sent mieux qu'autrefois car plus expérimenté sur la vie en société et somme toute plus intégrée dans celle-ci, mais demeurent encore aujourd'hui en lui des bribes de souvenirs ineffaçables des périodes éprouvantes de sa vie, autant de reflets de ce que beaucoup qualifient de plus belle période de l'existence : sa jeunesse.
Un petit textuscule (06/06/97)
Les sentiments que j'éprouve pour le genre humain sont complexes. Remarquez, c'est normal, vu la complexité des hommes, cette complexité qui me fait poser tant de questions, cette complexité qui peut ravager la planète à tout moment, cette complexité qui me fait réagir violemment à chaque fois que j'entends "Lui, c'est un personnage complexe". Car nous sommes tous complexes. Notre système, alias notre cerveau, est le plus évolué de la terre, car à défaut de savoir calculer plusieurs millions d'opérations à la seconde, il gère tout et en même temps : observer, analyser et dissocier les formes, les sons, les odeurs, etc. Nous sommes tous complexes également par l'aboutissement (où l'égarement pour certains) de notre système de sentiments. L'Amitié, l'Amour, l'admiration, le mépris, et le respect sont autant de sentiments que d'autres systèmes mettront bien longtemps à cerner. A ceux qui fantasment de la domination de la machine, je réponds que le seul "sentiment" que connaissent les machines est l'indifférence, et pour cause : elles sont faites pour. Mais l'homme, devant tant de complexité dans ses sentiments, s'embrouille à toujours vouloir tout comprendre (ce texte n'est que la conséquence de ces éternelles confusions), ce qui fait bien évidemment de lui un personnage complexe. Alors réfléchissez avant de juger de la complexité d'une personne.
Je disais donc que mes sentiments envers mes semblables étaient complexes, pardon, je vais dire étranges. Moi qui ai été chroniquement déçu par les conséquences de mes entreprises sentimentales (lesquelles je suis parfois tenté de qualifier d'anachroniques) envers la gente féminine, plus les années me passent sur le dos, plus la fourche des appâts de ce genre me tirent par là ou ça fait mal, et plus j'y comprends rien (aïe aïe, la preuve). Et la chanson qui résume mes désillusions est à peu près toujours la même. Tiens, je vais essayer de la transcrire en français :
M'as-tu vue ? M'as-tu vue ? Oui, c'est sûr.
M'as-tu parlée ? M'as-tu parlée ? Non, c'est sûr.
M'as-tu aimée ? Tu m'as aimée. Mais lui, là-bas, l'est plus mieux.
Tu m'as écrit. Tu m'as écrit. Dommage.
De même, Moi qui ai toujours considéré l'Amitié comme le moins impur des sentiments, d'où me vient cette envie de remplacer ce mot "Amitié" que je crois avoir le droit de coller à côté de mes amis, par le plus restrictif "Relations" ? Quelque chose passe son temps à me dire que les vrais amis sont rares. Les vrais amis... ceux qui vous respectent en tant qu'être humain (donc complexe), ceux qui n'aiment pas vous voir seul, ceux qui répondent à vos lettres, ceux qui ne rient pas de vos problèmes, ceux qui ne se fichent pas de ces mêmes problèmes. Je n'aime pas juger les personnes une par une, mais il arrive que non seulement la masse toute entière vous déçoive, mais qu'on trouve du critiquable en chacun de nous.
Et puis, moi qui ai toujours essayé de voir les défauts des masses (justement) autant que leurs qualités, comment se fait-il qu'au lieu de mépriser certains éléments perturbateurs de notre société, je passe mon temps à penser que ce n'est pas leur faute, et qu'après tout, c'est peut-être juste le fait d'être en groupe qui leur confère leurs agaçantes manies ?
Ah mais, je vous le déclare, la personne la plus difficile à comprendre, c'est soi-même.
Réflexion sur les fausses amitiés (14/07/97)
Attention, attention : les faux amis n'existent pas uniquement dans les langues étrangères. Cette sentencieuse affirmation n'a, je pense bien, pas de quoi vous impressionner car nous nous sommes tous un jour aperçus qu'elle était vraie. Certains plus que d'autres mais ça nous est tous arrivé. La question que je pose et à laquelle je vais essayer de répondre, c'est "Comment discerner un vrai ami d'un faux ?". Vous allez me demander pourquoi je n'ai pas écrit le texte suivant sous la forme d'un essai. Je vous réponds que j'ai deux raison. La première c'est que tout ce que je vais dire ici n'est pas issu d'une réflexion mais d'un tapotage quasi-instinctif sur mon clavier. Voici. La deuxième, c'est que faire un essai demande un effort de construction qu'il se trouve qu'aujourd'hui, je n'ai pas envie de fournir. Voilà.
Avant de commencer, je vous conseille vivement, si ce n'est déjà fait, de lire la définition que je donne du sentiment d'amitié, faute de quoi certains passage de cette nouvelle élucubration issue de mes sombres souvenirs passés et présents risqueraient de vous échapper. Si vous l'avez déjà fait, vous devriez vous souvenir que je prête le sentiment d'amitié à l'évolution d'un besoin personnel de chaleur humaine. Mais si ce sentiment a bel et bien évolué pour devenir plus complexe, plus profond et plus intéressant, il n'en demeure pas moins que son évolution a entraîné plusieurs points négatifs. Le plus évident est ma question du jour : les fausses amitiés.
Nous avons tout intérêt à nous poser le plus de questions possibles sur nos amis. La confiance a beau être un don de soi tout à fait honorable, elle ne nous met pas à l'abri des éternelles duperies qu'exercent sur nous notre entourage. Les fausses amitiés, elles existent sous plusieurs formes, mais j'en retiendrais deux : les amitiés hypocrites et les amitiés lunatiques. Les amitiés hypocrites représentent l'art du calcul, de l'ostentation pesée et de la dissimulation volontaire. Elle est généralement liée à un besoin éprouvé par la personne animée de cette fausse amitié : le besoin de ce que vous possédez, le besoin de ce que vous savez faire, ou tout simplement parfois le besoin de vous emmerder. Les amitiés de tiroir-caisse sont monnaie courante, si j'ose m'exprimer ainsi, tout autant que les amitiés de service rendu font partie intégrante de nos moeurs. Ce sont là de beaux exemples de l'une des oxymores humaines : la sournoiserie et la bêtise (car le fait d'être sournois nécessite une certaine forme d'intelligence). Mais l'amitié hypocrite liée au simple plaisir d'emmerder son entourage est plus grave, car en plus d'être trompeur et stupide, l' "ami" devient en plus vraiment con car il nie la fonction intrinsèque de l'homme : servir l'homme pour rendre la vie de ses prochains meilleure. Même les animaux qu'on prétend nos inférieurs, ne cherchent pas à s'emmerder par l'hypocrisie. Vous allez me dire que l'hypocrisie du besoin matériel est toute aussi irrespectueuse. Mais moi je pense que le besoin oriente souvent l'esprit d'une façon bien plus forte que la raison, ce qui innocente un tant soit peu l'entiché des biens.
Les amitiés lunatiques ne sont pas vraiment méchantes ni stupides. Elles sont juste la preuve d'une instabilité de l'esprit. On en arrive à énoncer un véritable principe d'incertitude amico-stable. Pour être plus explicite, on pourra dire qu'un jour, ça copine, et un autre, ça pas-copine. Il n'y a pas grand chose à dire sur ces amitiés aléatoires, si ce n'est qu'elle sont bien dommages. Un jour vous pensez avoir enfin la confiance de quelqu'un et le lendemain : vous venez de vous faire rendre un service vraiment sympa et en plus le copain qui vous l'a rendu semble ne rien vouloir en échange. Le lendemain, vous êtes expédié sur un tapis recouvert de clous. Le plus surprenant, c'est que nous sommes tous un peu comme ça, à des degrés évidemment pour chacun. Il ne suffit pas de grand chose pour passer de "cher ami" à "espèce d'enfoiré" : un pied gauche un peu trop hardi le matin, un coup de fil embêtant, une réflexion inopinément déplacée, et c'est le plantage des fichiers de l'amitié. Mais il y a aussi ceux qui le sont beaucoup plus que les autres, par nature et pour leur entourage, c'est bien souvent le calvaire qui commence. On se sent à la botte d'un seigneur pédantissime ne pensant qu'à son intérêt personnel, car c'est évidemment au moment où il ne fallait pas que vous vous êtes fait jeter pour la énième fois. Moi je dis que parfois, l'amitié devrait remettre ses dards à l'heure.
Pour finir, un petit mot sur les amitiés numériques. J'appelle amitié numérique toute relation amicale se faisant dans l'ignorance totale de l'aspect extérieur de l'interlocuteur et fomentée par un des multiples réseaux mondiaux existant (internet, vous connaissez ?). J'ai appris à mes dépens comme tant d'autres l'ont appris aux leurs, que le dicton bien connu "loin des yeux, loin du coeur" n'est que trop vrai. La caractéristique du copain numérique est la suivante : il est facile à obtenir car sur les réseaux, nous ne nous voyons pas entre nous tels que nous sommes vraiment, d'où adieu à ces éternels préjugés fondés sur l'apparence, mais il est très facile de s'en débarasser. Le numérique nous permet de ne pas être affecté d'un ami qu'on n'apprécie plus (en tout cas beaucoup moins que dans la réalité), ce qui fait que tout sentiment d'ennui et de lassitude à l'égard du copain peut l'éloigner par simple absence de réponse à ses envois. Les amitiés numériques, on ne peut pas se permettre de trop s'y fier, ça en devient dangereux. Cela dit, il est quand même parfois bien agréable de se sentir apprécié loin de chez soi.
Pour rejoindre ma question des fausses amitiés, l'amitié numérique offre l'avantage de pouvoir déceler facilement la moindre incohérence du comportement de l'autre, et ce tout simplement car il l'analyse de mots écrits est beaucoup plus précise que celle de mots parlés.
Sur ce, copinez bien et à bientôt.
Humanus Computorissimus [est] (01/08/97)
L'autre jour, je surfais joyeusement entre le site d'A. Computer et de B. Entertainment lorsque je fus contacté par Pierrot, mon copain internaute qui se branche sur le Réseau depuis le Canada. Après que nous nous soyions échangés les civilités ordinaires dont chaque surfeur organico-numérique se croit obliger d'user et d'abuser s'il tient à l'intégrité de l'esthétique de ce que les adorateurs du charisme en société à la sauce Yankee appellent "Netiquette" (responsable de la disgrâce publique d'assez nombreux utilisateurs de la messagerie électronique sous MS-DOS forcés d'écrire en majuscules, tout internaute averti sachant - bien évidemment - qu'écrire en capitales signifie crier), il m'annonça tout frétillant (ça se voit à la cadence d'apparition des caractères quand le réseau d'où vient notre logiciel de discussion littérale est assez peu bondé pour être digne du label de "temps réel") qu'il venait de visiter un site super-géant (sic) sur les progrès de la robotique. Il me proposa alors d'aller y jeter un oeil tout en continuant notre discussion. "22 h 30 passées, me dis-je, pas de problème", parce qu'avec lui, les discussions peuvent finir par faire la fortune de France Télécom et le malheur de la bande passante de mon provider.
C'est d'une main hésitante que je lançai la connexion vers l'adresse qu'il m'avait communiquée. Je fus temporairement sauvé de ce qui devait être encore un de ces sites sites résolument orientés marketing par l'arrogance cette fois-ci salvatrice d'une erreur 404 (vous savez, "File not found"). Je fus tenté de luis dire qu'en effet, il s'agit là d'un message tout à fait optimiste quant à notre condition humaine par rapport à celle des robots, mais je savais que mon sursis était de courte durée. "Désolé, j'ai fait une faute dans l'adresse" vis-je apparaître comme ultimatum dans notre fenêtre de discussion. Cette fois-ci, j'y étais. Incroyable mais vrai : il avait réussi à trouver un site ne faisant pas de pub pour une compagnie en particulier (à part la société qui avait réalisé le site, bien entendu). Il s'agissait en fait d'un site qui se voulait être le premier musée numérique gratuit de la robotique et de l'intelligence artificielle. L'ensemble était bien documenté et apparemment très à jour mais une phrase me fit tiquer. Plus précisément le début d'une phrase : "Un jour, lorsque l'intelligence des ordinateurs rattrapera la nôtre...". Je dus m'y reprendre à trois fois avant d'être sûr d'avoir bien lu. "L'intelligence des ordinateurs rattrapera la nôtre". Charmant. Et en relisant attentivement ce que j'avais déjà lu dans le site, je m'aperçus que tout y était disserté dans l'optique de voir les machines devenir un jour aussi intelligentes que les humains.
Je demandai alors à mon pote s'il approuvait cette affirmation, lequel me répondit ipso facto par l'affirmative avant de me retourner la question : "Ah bon ? Toi pas ?". Ah non alors, moi pas. S'ensuivit alors une discussion que je n'ai (ou plutôt que mon disque dur n'a) jamais oubliée. Notez que j'ai un tantinet retouché l'expression et le vocabulaire de plusieurs passages pour faciliter votre compréhension :
- Comment ça "pas moi" ? Tu t'imagines que je peux laisser passer une affirmation comme celle-là ? Toi tu crois que les ordis pourront être aussi intelligents que nous ?
- Bah évidemment. Quand on voit à quelle vitesse l'informatique évolue, on peut être sûr qu'un jour, ça arrivera.
- Je te rappelle que les ordinateurs n'existe que depuis même pas 50 ans. Comment tu veux qu'ils rattrapent une espèce qui est existe depuis des millions d'années ?
- D'accord, mais regarde combien de temps on a mis pour découvrir un truc aussi simple que le feu ou les outils. Apprendre à un ordinateur à effectuer une tâche ne prend que le temps d'une programmation.
- Et la programmation, elle vient de qui ?
- Des hommes. Mais les ordinateurs évoluent bien plus vite que nous parce qu'ils apprennent grâce à une espèce déjà expérimentée alors que les hommes ont tout trouvé tout seuls.
- Les ordinateurs n'apprennent pas. Ils exécutent, c'est tout. Un ordinateur n'a pas d'imagination, comment tu voudrais qu'il puisse inventer ses propres outils ? C'est ça, apprendre.
- Pas ENCORE d'imagination.
- Mais attends, tu es en train de me dire que les ordinateurs vont devenir des humains, c'est ça ?
- Non, c'est le contraire. Ils sont des machines et nous aussi.
- Des machines ??
- Des machines humanisées, mais des machines quand même. Regarde comment marche le corps humain : les experts sont d'accord là-dessus, ce n'est qu'un enchaînement de multiples réactions chimiques successives.
- Mais tes réactions chimiques, tu sais par quoi elles sont contrôlées ? Par le cerveau !
- ...qui n'est lui aussi qu'une suite de réactions chimiques. Les milliards de neurones qu'on possède n'interagissent que par des messages élémentaires.
- Peut-être. Mais si tu donnais à un ordinateur le contrôle d'un corps humain, il ne ferait pas de vieux os. Vivre, c'est voir, entendre, sentir, toucher, analyser, respirer, digérer, etc.
- Tout ça, on pourra l'apprendre à un ordinateur.
- Et pourtant on n'apprend pas tout ça à un nouveau-né humain, que je sache. Le corps humain fait une multitude de choses en même temps. D'accord, on ne fait pas des millions d'opérations par seconde, mais nous on sait instantanément discerner chaque objet dans l'espace, chaque son parmi tout ce qu'on entend et chaque matière qu'on voit et qu'on touche. Et le cerveau est capable, aussi bien en vue qu'en ouïe, de faire un tri extrêmement poussé de l'information afin de discerner ce qui est vraiment informatif et ce qui n'est que du bruit.
- Les ordinateurs nous ressemblent déjà pas mal. Tout ça viendra avec le temps et le progrès.
- Ah parce que tu trouve que les ordis ressemblent aux humains, maintenant ?
- Ben oui. Il n'y a qu'à regarder d'un peu plus près. Prends par exemple les différentes formes de mémoire. L'ordinateur a deux types de mémoire pour apprendre : une mémoire rapide et volatile et une mémoire plus lente mais relativement fixe. Toi, quand tu vas à un cours de maths, ce que tu apprends au début du cours revient très vite et sans effort. Mais le soir, surtout après d'autres cours, c'est plus difficile de se souvenir de ce que tu as appris. C'est le même principe.
- Bof...
- Et la mémoire morte, celle sur laquelle on peut pas réécrire ? Les humains ont un équivalent : tu peux être frappé d'amnésie, passagère ou non, tu sauras toujours lire, écrire et compter.
- Moi je crois plutôt que c'est ceux qui créent les ordinateurs qui essayent d'imiter l'humain. Tu as d'autres exemples ?
- Ben... Les extensions que tu rajoutes à ton ordi, c'est comme ces savoirs et ces savoirs-faire qu'on t'apprend dans la vie. Une extension correspond à un nouvel outil et une carte électronique à une langue étrangère...
- Mais si on considère que l'intelligence, c'est surtout une capacité de s'adapter à tous les contextes, ce qui semble être la définition la plus en vogue ces dernières années, eh bien les ordinateurs ne sont pas comme nous. Ils ne peuvent pas s'auto-configurer pour s'adapter.
- L'adaptation, c'est qu'une suite de petits raisonnements logiques.
- Justement ! Les ordinateurs ne savent pas raisonner ! Ils ne savent que faire ce qu'on leur dit.
- Mais le raisonnement, c'est comme le reste des pensées, c'est les neurones qui font tout. Et maintenant, on arrive à simuler les réseaux de neurones informatiquement.
- Et l'expérience, alors ? Tu devrais savoir que chaque humain résonne en s'appuyant énormément sur ce qu'il a vécu !
- Je sais bien. Mais pourquoi est-ce qu'un ordinateur ne saurait pas analyser son vécu ?
- Tout simplement parce que c'est déjà un raisonnement. Tout doit se bâtir de façon ordonnée et ça prend plusieurs années pour un être humain, au stade où nous en sommes de l'évolution. Il faudra énormément à un ordinateur à apprendre à raisonner.
- Le progrès se chargera de ça. C'est peut-être difficile, mais les ordinateurs savent gérer de plus en plus d'informations et de plus en plus rapidement, de nos jours.
- Mais même s'ils arrivent à nous rattraper, il leur faudra tout de même des années avant de savoir se comporter en être humain. Sinon, ils seront tous identiques, ce qui est contraire à la définition même d'une espèce.
- Pas sûr. Rien que l'endroit où l'on s'en sert change tout.
- Mais tu connais la mode actuelle : on les branche tous entre eux sur des réseaux mondiaux. Et s'ils apprennent à trier l'information, ils vont tous vouloir être les plus intelligents et ils n'arriveront à savoir chacun que les mêmes choses...
Après ça, notre conversation a dévié sur Internet et son impact sur la société.
Aujourd'hui, même si j'ignore si mon opinion a eu un quelconque effet sur la conscience de mon copain, il demeure que ce que lui a dit n'a pas manqué de marquer mon esprit. Je reste convaincu que les ordinateurs ne sauront jamais se comporter en vrais humains (parce que même s'ils arrivaient à notre stade actuel, nous, les vrais hommes, aurions déjà évolué), je ne peux pas m'empêcher de repenser à cette théorie de machine humaine. D'un côté, il faut bien se rendre compte qu'aussi complexe que le corps humain soit, il devient de plus en plus évident que tout n'y est régi que par des informations élémentaires. Mais d'un autre côté, on se demande encore comment on peut alors en arriver à émettre des jugements, savoir faire des choix, avoir des sentiments pour les gens, rêver, imaginer et créer. Et puis, à propos du fait que nous fûssions des machines, je conçois mal de passage de réaction chimique à élément numérique.
Aujourd'hui encore, les questions pleuvent sans que je puisse y répondre. Et vous, chers lecteurs qui avez l'étonnante patience de me lire jusqu'au bout, qu'en pensez-vous ?
Réflexion sur le mariage entre la pomme et le ver (15/08/97)
Tout d'abord, un grand merci à François Maurey pour l'idée de titre d'essai qu'il m'a suggérée. Si vous suivez de relativement près l'actualité économique, vous devez savoir qu'une hache de guerre vient d'être enterrée : celle de l'interminable lutte entre Apple et Microsoft. En effet, ces derniers jours, cette société de Redmond a acheté pour 150 millions de dollars d'actions (sans droit de vote) d'Apple. Et, par rapport à tout ce que nous avons vu jusqu'ici, cette nouvelle a de quoi étonner et peu encore d'individus extérieurs à ces deux sociétés comme vous et moi peuvent prétendre cerner le véritable objectif de cette opération. Mais on peut cependant entrevoir plusieurs hypothèses.
Tout d'abord, personne ne peut maintenant nier la suprématie de Microsoft dans le software (le logiciel, pour les puristes de la langue francophone) et nul n'ignore que cette société est la proie constante des lois antitrust (contre les monopoles) en vigueur aux Etats-Unis et plusieurs compagnies d'état enquêtent sur leur façon d'agir - certains vont même jusqu'à prétendre que le FBI (le èffe-bi-aille) est de la partie -. On peut donc facilement imaginer que cette brusque et étonnante décision se soit faite d'abord pour échapper aux lois antitrust qui ont, il est vrai, déjà causé pas mal de tourments à la société qui s'en est pourtant toujours bien tirée, car à la pointe de la technique en ce qui concerne les avocats de justice. Rappelez-vous le procès retentissant qu'il y a eu entre les deux sociétés à la sortie de Windows, cette pâle copie du système Mac. Les spécialistes sont unanimes : si Microsoft ne l'avait pas gagné grâce à ses avocats de choc, cette firme ne serait pas du tout ce qu'elle est aujourd'hui. On peut presque dire que c'est parce qu'Apple existe que nous devons supporter Microsoft, un peu comme quand les américains disent que le mal n'existe que parce qu'il y a le bien, mais là je m'embarque un peu loin de mon sujet de départ.
Une autre hypothèse, certes un peu moins tangible, serait que Microsoft cherche tout bonnement à absorber Apple, comme avait déjà essayé de le faire IBM avec Microsoft. Les quelques actions que Microsoft a achetées ne seraient alors que le début d'un démantèlement qui serait dramatique pour la micro toute entière. Car non seulement Microsoft se débarrasserait de son dernier véritable rival dans la micro-informatique en contournant toutes les lois antitrust (un ravalement suppose l'accord de la société qui est absorbée mais les actionnaires de la firme de Cupertino sont loin d'être des gens respectueux, et je pèse mes mots), mais aussi parce que ces égocentriques de Seattle jetteraient tout simplement les technologies d'Apple à la poubelle ainsi que tout leur honneur d'avoir guidé la micro si longtemps en s'appropriant impunément ce qu'ils trouvent de bien à mettre à leur compte dans Windows. Sans compter que sans un concurrent dans le domaine des systèmes d'exploitations, les fans du PC auront du souci à se faire car Windows n'évoluera quasiment plus. "On ne change pas un DOS qui gagne, on change juste la boîte", tel était le leitmotiv des développeurs de Windows 95 qui avaient auparavant travaillé sur Windows 3 et même parfois les versions successives mais toutes quasiment identiques du MS-DOS.
Autre hypothèse, mais alors là je la qualifierai plutôt d'utopie : Microsoft aurait bel et bien décidé de travailler main dans la main avec Apple. Apple en serait très capable, elle l'a déjà fait lors de la sortie des Macintosh en passant avec Microsoft des accords pour que les logiciels Microsoft comme Excel et Word existent sur Mac. Mais depuis, le climat s'est dégradé au fur et à mesure que Microsoft grandissait en pouvoir et aujourd'hui, les fidèles d'Apple ne reçoivent plus que des logiciels Microsoft retardés, bogués, lents et gourmands, parfois plus encore que sous Windows (quelle oxymore !). Cependant, vous remarquerez que jamais Microsoft ne s'est totalement détaché du monde Mac, et pour cause : il serait bête de se priver des millions d'utilisateurs de Mac partout dans le monde et abandonner un marché, c'est ouvrir la voie à la concurrence qui pourrait débuter dans le monde Mac pour mieux s'attaquer aux PC. D'une façon fort personnelle, je l'avoue, je pense que jamais Microsoft ne pourra travailler avec une autre entreprise, et encore moins Apple que Mr Bill Gates III° du nom (alias Bilou ), considère comme un repère d'ingénieurs stupides. Microsoft veut le pouvoir et l'argent à défaut d'avoir de véritables et fidèles adeptes, ce qui est tout le contraire de la philosophie Apple.
Mais comme d'habitude, la désinformation que nous inflige Microsoft rend bien des gens aveugles au point de croire que Windows est mieux que Mac OS. J'en ai même vu préférer le DOS à Mac OS (il faut le faire, quand même). Apple ne va pas bien. Mais si les utilisateurs se servaient un peu plus de leur esprit critique plutôt que du choix qu'a fait leurs copains, la situation serait meilleure. Il ne resterait alors plus qu'à espérer que Microsoft ne cherche pas à tout gâcher, comme à son habitude. Parce qu'y a pas à dire, dans le genre fouteurs de merde, ils sont champions : ils prétendent être ceux qu'il faut suivre pour accéder aux futures autoroutes de l'information, mais ils refusent de reconnaître l'architecture d'objets Java déjà acceptée par tous les développeurs (on l'appelle Corba) et, face au ridicule succès d'ActiveX comparé à celui de Java, voilà-t-il pas qu'ils veulent que les développeurs Java ne passent plus par les interfaces de programmation standard mais par Windows, tout cela faisant bien évidemment que ces applications ne tourneront que sous Windows... Oser insulter Java qui est le premier système réellement multiplate-forme ! Reste à savoir si les développeurs Java sont aussi vendus que les employés que Microsoft : s'ils se mettent à reconnaître que Java doit mieux tourner sur PC, là je vous le dis, il y aura du remous contre Microsoft. Et pour une fois, il pourrait bien être efficace.
Faut-il croire au destin ? (27/01/98)
Enfin quelque chose sur le Destin, c'est pas trop tôt pour un scribouillard qui voudrait pouvoir se prendre pour un penseur, me direz-vous. Et c'est vrai qu'il aura fallu attendre qu'une personne que je connais me soumette le sujet pour que finalement je me décide à écrire quelque chose dessus. Donc, je reprends la question : faut-il croire au destin ? Alors d'abord, je suggère de définir le terme de destin. Le destin, c'est une façon de parler de vie programmée, décidée à l'avance par on-ne-sait quelle force au-dessus de l'homme. Si le destin existe, il est valable pour tous les hommes, tous les animaux, brefs tous les événements qui peuvent survenir dans l'univers seraient soumis à la volonté de quelque chose qu'on ne connaît pas.
C'est vrai, ça paraît difficile à croire comme ça, ce qui est tout à fait normal parce qu'en tant qu'humains, nous tenons trop à notre liberté de pensée et d'action pour accepter de la savoir volée par quelque chose qu'on ne connaît pas. Néanmoins il faut distinguer deux formes de destin : le destin théologique et le destin scientifique, qui ne sont pas du tout les mêmes, sans pour autant perdre de vue qu'il est possible que ni l'un ni l'autre existe. Pour être plus clair, la réponse sera "Dieu, c'est plus fort que toi", ou bien "L'avenir est écrit dans les quarks" ou encore "Pas de destin mais ce que nous faisons de nous-mêmes" (cf. Terminator II, de James Cameron).
Le destin théologique, comme j'ai essayé de vous le décrire par une sentence pour le moins inquiétante je l'avoue, c'est ce que pensent pas mal de pratiquants de leur religion respective. Ca consiste en fait à penser que "quelque chose", enfin surtout "quelqu'un", contrôle l'avenir de chaque homme, voire même chaque être vivant. Et c'est vrai que c'est une opinion dont aucune société ne pourra jamais se débarrasser, tant elle est encastrée dans les moeurs. Déjà d'anciens philosophes y croyaient et ne voyaient en la réussite de certains individus parmi d'autres qu'une sélection arbitraire effectuée par quelque puissance occulte. C'est mignon comme croyance, je trouve, mais un peu trop facile. Alors, sous prétexte de prédestination, on se mettait à justifier n'importe quoi, du genre son oisiveté, son non-respect de l'éducation... Et puis restons lucide : ça doit quand même être assez difficile pour cette fameuse Puissance de gérer tous ces êtres en même temps, sans créer une seule incompatibilité et en faisant toujours à peu près en sorte qu'on voie une logique dans les événements. Mais j'entends déjà la réplique des croyants chevronnés : "Les voies du Seigneur sont impénétrables". Fort bien. Mais en tout cas, je me demande quel genre de Dieu serait assez sadique et cruel pour pouvoir imaginer à l'avance et échafauder à l'avance un monde aussi bizarre que le nôtre. La fonction de ce Dieu n'est-elle pas, s'Il existe, de garder sa suprématie en faisant prospérer sa planète ? Eh bien celui qu'on aurait, lui, il serait du genre à forcer ses adeptes à se flinguer entre eux, un peu comme le patron d'une entreprise tournant très bien qui, au lieu d'embaucher du personnel, dirait à ses employés qu'il ne garderait que ceux qui sont assez intelligents pour surpasser leurs collègues.
Bon, après cette interprétation spirituelle du destin qui aura sans doute fait pâlir les plus orthodoxes d'entre vous, je vais tâcher de décrire ce que j'appelle "destin scientifique". On parle beaucoup de l'infiniment petit en cette fin de siècle, et un prochain prix nobel sera sûrement décerné à celui qui saura dire de quoi sont composés les quarks, plus petits grains de matière à avoir été mis en évidence jusqu'ici. Or une pensée mobilise une troupe indéchiffrable de scientifiques à l'heure actuelle : trouver l'Equation du Monde. Si on suit le raisonnement de ces scientifiques, l'évolution des atomes et des charges suit une "logique". Et malgré ce qu'on sait de la mécanique quantique de nos jours qui prétend que le hasard et les probabilités joue sur cette évolution de la matière, le hasard n'existe pas dans la science : le hasard n'est qu'un ensemble de phénomènes encore trop complexe pour pouvoir être compris et maîtrisés. Et maintenant imaginez qu'un jour on finisse par la trouver, cette fameuse Equation. Par des calculs plus ou moins complexe, on pourra dès lors déterminer l'état dans lequel sera chaque particule à chaque instant. Et comme, on le sait maintenant, le corps humain et son comportement ne sont en fait que réactions chimiques complexes soumises aux lois de la physique, on peut aisément imaginer qu'on cherchera à connaître notre propre avenir par l'infiniment petit, contrairement aux voyants et autres devins qui cherchaient à le connaître par l'infiniment grand, à savoir les étoiles et les constellations, bref l'espace.
Revenons maintenant à notre question première : faut-il croire au destin ? Ben, j'espérais que ma réponse était transparente avec ce que je vous ai dit. En fait, au lieu de perdre son temps et son énergie à savoir ce que l'avenir nous réserve, ne vaut-il mieux pas savoir profiter du temps présent et penser à l'avenir non pas comme une fatalité mais comme une chance d'évoluer ? On ne peut pas garder pour excuse perpétuelle "because le destin". Les deux destins que j'ai examiné ici sont actuellement pour le moins négligeables, tant il est vrai que l'existence d'un Dieu n'a toujours pas été démontrée (et que celui-ci, s'il existe, n'a pas l'air de chercher à manifester la bonté qu'on lui prête) et que devant la complexité de l'évolution des simples charges, on imagine difficilement de pouvoir prévoir l'évolution des milliards de particules qui forment un corps ou un objet. Restons réalistes et ne cherchons pas à tout savoir : la vie et ses tribulations sont là pour nous faire évoluer, ce qui semble difficile si on se borne à vouloir tout prévenir.
Un texte pour rien (13/04/98)
Voyons... Ca fait longtemps (plusieurs jours) que je n'ai pas écrit, et il faut absolument que je corrige cette erreur qui nous laisse (moi et ma conscience) inquiets quant à ma santé mentale. Oui, je dois le préciser, l'écriture fait partie de mon équilibre vital, ce qui suppose une successions de tentatives en principe renouvelée chaque jour supplémentaire que Dieu nous coltine notre lourde tâche d'humain et cette horrible épidémie de vie toujours plus répandue à la surface du globe. Eh bien oui, figurez-vous que ça fait... euh... 8 jours que je n'ai pas pondu de mots disposés les uns à la suite des autres pour faire croire à un texte. Ca vous semblera normal vu que je ne publie environ qu'un texte par mois en moyenne, mais vous vous trompez du tout au tout, vu que je publie que les moins nulles et les moins personnelles de mes élucubrations, soit peut-être un dixième de ma production prosaïque actuelle.
Voilà pour les explications concernant ce vide que vous avez commencé à lire. Je l'ai écrit pour remédier à ma paresse inexplicable de ces derniers jours et publié pour assurer la moyenne d'un écrit par mois dont je vous ai fait part plus haut. Tiens, ça me rappelle une fois que j'étais à l'église (rassurez-vous, c'était il y a maintenant quelque chose comme 7 ou 8 ans, l'époque où il m'arrivait de ne pas savoir où j'allais me balader et où je ne savais pas regarder devant moi) : après les joyeuses jovialités que certains d'entre vous apprécient sans doute de revivre chaque semaine et dont même la force de ce pléonasme éhonté que je viens de réaliser n'arrive pas à me convaincre de l'utilité (des jovialités, donc), l'homme en blanc qui s'agitait au fond de la grande bâtisse en arriva au moment tant attendu des dormeurs et des bavards : le sermon. Eh bien figurez-vous que ce jour-là, on n'eut pas droit aux habituels "Vous l'avez vu comme moi, l'Evangile a toujours raison", mais à un exposé exhaustif sur sa façon de construire son sermon hebdomadaire : une prière vers le haut pour que l'inspiration descende vers le bas. Et ce jour-là, elle n'était pas venue, comme si le Saint Esprit eût fait la grève. Et puisque j'en suis à un état similaire de mon hobby d'écriveron (n'oublions jamais le dicton de Raymond Q. : "C'est en écrivant qu'on devient écriveron"), à savoir une absence totale de matière à racontailler, alors j'en conclus que je suis quand même moins loin des pratiques religieuses que je ne l'espère depuis quelques années déjà, ce qui constitue une raison supplémentaire à ma volonté de me corriger en écrivant ce minabluscule tas de mots.
A propos de mots, j'entend bien souvent des gens dire "Tout ça c'est que des mots" ou "les mots sont impuissants". J'ai bien du mal à cerner cette aversion de certains envers ce que l'humanité a créé de plus utile jusqu'ici : les mots, le langage. Que ce soit pour dire ce qu'on pense (comme les poètes), critiquer ce qu'on ne pense pas (comme les politiciens), dire ce qu'on ne pense pas (comme les profs, surtout de philo), masquer sa pensée (comme nous en montre l'utilité ce cher Conteur-philosophe du XVIII° siècle), ou encore dire n'importe quoi à tout va (comme moi) en espérant quelqu'un sera assez poire pour nous lire jusqu'au bout, il n'y a souvent rien de tel que les mots. La preuve : tous les adultes vous le diront, un bon livre, c'est bien mieux qu'un jeu vidéo. Une autre preuve ? On peut tout faire avec des mots : créer de l'inexistant, disserter de l'existant, passer le temps, insulter son prochain sans qu'il le sache et même se faire du pognon. Mais je sens que je vous agace, là, non ? D'accord. Aussi, pour vous laisser le temps de reprendre votre souffle, je vous propose de sauter deux lignes au lieu d'une. Sympa, non ?
...
A l'heure où j'écris ces lignes, la télé est en marche et éructe des stupidités sur les amourettes de lycéens, ou comment définir le plus simplement possible aux téléspectatrices le terme de "copains de caleçon". Encore une preuve de la nécessité indubitable des mots : là où la télé est ridicule et insipide comme un sirop concentré, les livres en sont l'eau tiède, terme si bien employé par un critique à propos de "Mon premier roman", un roman (?) écrit par je-ne-sais plus quelle fille cachée de je-ne-sais quel ex-président de la république mort pour la France. Et comme vous le savez, on peut boire de l'eau simple (même tiède... demandez aux bretons de Goscinny) mais pas du sirop tel quel (même par petites doses, charismo-médiatiques ou non... demandez à ma soeur qui regarde "Friends" tous les soirs en bouffant du Nutella).
Sur ce, là je commence à fatiguer. Enfin, ça fait une heure que ça dure, c'est à dire depuis que j'ai commencé ce ramassis de réflexions inutiles et qui bouffent inutilement de l'espace-disque chez mon provider. L'informatique surpasse l'homme, qu'on nous dit... et c'est pas complètement faux puisque ça vient de me donner un argument suffisant pour que je m'arrête. Point final !
Super Oui-Mézou, version existencielle (17/05/98)
C'est une question on-ne-peut plus banale que je pose aujourd'hui : "Qu'est-ce qui différencie l'homme de l'animal ?". Entre ceux qui pensent que l'animal n'est qu'une bête stupide face à l'être humain et ceux qui croient que les animaux ont une supériorité dont l'homme ne peut (ou ne veut) pas se rendre compte, bon nombre d'éléments sont indéniablement des différences entre ces deux groupes d'êtres vivants. J'ai essayé, dans ce dernier écrit en date de ma personne, de regrouper les principaux sujets montrant qu'en tout cas, mais sans pour autant vouloir établir une hiérarchie, l'homme et l'animal ne seront jamais comparables. Bon, j'admets que c'est là un sujet tout ce qu'il y a de plus futile, car je doute qu'il y en ait beaucoup ici qui trouvent que les humains et les autres animaux soient vraiment pareils. Cela dit, il est à mon avis toujours bien de savoir s'identifier, affirmer son originalité, et pour cela, rien ne vaut une petite mise au point sur les différences de notre espèce par rapport aux autres. Au fait, je le précise, "Super Oui-Mézou" est le nom du classique "jeu des 7 erreurs" dans je ne sais plus quelle revue.
Voici donc les principaux sujets que je retiens :
J'aurais même pu sans crainte dire "le souci du lendemain". Mais j'ai quand même gardé la formulation "la peur de la mort", car elle est la manifestation principale du souci du lendemain dont l'homme a toujours fait preuve. C'est même, d'après le célèbre philosophe français contemporain Albert Jacquard, la différence essentielle entre humain et animal. Et il serait bien difficile de nier le fait que les animaux n'ont pas la notion du lendemain. Certains comme les chiens et autres animaux domestiques ont une certaine réminiscence du passé, mais on ne trouve de réflexion sur le futur chez aucune espèce à part l'homme. C'est donc tout naturellement qu'on peut dire que l'animal ne craint pas la mort. Pendant que tant d'hommes sont rongés par l'inéluctable rappel des cieux à la fin d'une vie toujours trop courte (certains pouvant même parfois aller jusqu'à se suicider pour être certains de ne pas être surpris par la mort un jour où ça les dérangerait particulièrement), les animaux continuent leur vie insouciante, et certainement beaucoup plus tranquille. Car eux au moins, lorsqu'ils vivent un moment heureux, ne risquent pas de déprimer en s'imaginant qu'il va falloir mourir après ça.
Ce sujet vous intrigue ? C'est normal. L'homme est au moins autant un tueur que l'animal, sinon plus encore. La différence entre lui et l'animal se situe sur deux plans : l'hétérogénéité des humains tueurs par rapport aux tueurs d'une autre espèce (certains humains n'ont jamais tué alors que d'autres ne font que ça, tandis que chez une espèce animal tueuse, tout le monde tue), mais surtout les mobiles pour tuer. Autant vous le dire tout de suite, là c'est une comparaison qui ne plaira qu'à ceux qui ne jurent que par la supériorité des animaux que je vais effectuer. En effet, l'humain est le seul animal qui peut tuer sans raison, ce pour quoi il est évidemment blâmable. Les animaux tuent pour manger ou pour défendre leur territoire. D'accord, l'homme peut avoir les mêmes mobiles, mais il arrive qu'il n'en ait aucun. On prétend aujourd'hui que certains dinosaures chassaient pour le plaisir, mais cette théorie semble bien hâtive car cette caractéristique n'est observable chez aucune espèce animale aujourd'hui vivante. A part l'homme, bien entendu. Et le pire, c'est que bien souvent, on dit d'un tueur psychopathe qu'il en est revenu au stade animal. C'est donc faux : il n'en est que plus humain encore.
Tout comme les bêtes sauvages qui font des troupeaux, les fourmis qui font des communautés ou les poissons qui font des bancs, l'homme est un individu fait pour vivre en société. Mais le moins qu'on puisse dire, c'est que son comportement à l'égard de ses semblables se distingue radicalement de celui des animaux envers leurs semblables respectifs. Et cette différence est tout autant positive que négative : il y a des humains qui comptent beaucoup aux yeux d'autres, et ces derniers font preuve d'une attitude pour le moins respectueuse envers eux. Prenons l'exemple du respect des morts. S'il y a quelques rares autres espèces animales qui dissimule le cadavre de leurs congénères, aucune ne fait preuve d'autant de considération à l'égard des morts que l'être humain. Et cette différence entre l'homme et l'animal est telle que bon nombre d'historiens n'hésitent pas à considérer que l'Humanité (avec un grand "H") n'a vraiment commencé qu'à partir du moment où nous avons enterré nos morts. Mais à toute médaille son revers, et la distinction qu'on peut faire entre le comportement social de l'homme et celui des animaux peut facilement devenir très dévalorisante pour l'homme. Nul besoin de passer un long moment à chercher des exemples bien loin : guerres, racisme, discrimination sociale de richesse, d'âge ou de sexe, hypocrisie sociopolitique, arnaques en tout genre... L'homme est le champion de l'égoïsme, et même s'il existe des exceptions de bonne volonté, jamais nous ne pourrons nous vanter du respect mutuel que les animaux ont envers eux-mêmes. D'accord, les animaux se disputent comme nous la nourriture, les territoires ou les femelles mais eux ne jouent que sur la persuasion pour arriver à leurs fins.
On entre là dans un sujet fort controversé. En effet, la plupart des gens différencient l'homme et l'animal au niveau de l'intelligence. L'homme arbore sa capacité de décision, sa faculté de faire le bien et le mal en toute liberté, ne reléguant l'animal qu'au statut de jouet de l'instinct. Je ne vais pas ici entrer dans le débat et vouloir trancher sur cette éternelle comparaison. L'intelligence reflète deux notions qu'il ne faut pas dissocier : l'intelligence elle-même mais aussi son utilisation. Car si l'homme possède indubitablement une forme d'intelligence apparemment mal connue des animaux lui permettant d'imaginer, concevoir et utiliser des outils, ne perdons pas de vue que l'usage qu'il en fait est une autre affaire. Comme pour creuser l'écart entre l'espèce humaine et les autres, on parle pour l'homme d' "intelligence supérieure", celle qui offre les capacités de raisonner et d'utiliser la Nature pour mieux vivre. Mais sommes-nous réellement plus heureux que les animaux avec cette intelligence ? Les animaux semblent ne pas connaître les joies des amusements collectifs dans le seul but de se faire plaisir, ni les joies des sentiments envers des proches, c'est un fait. Mais c'est cette fameuse intelligence supérieure qui invente la bombe à neutrons (ultime manifestation du degré important d'irrespect de certaines âmes de par son aptitude à ne détruire que les matières vivantes) et engendre un trou dans la couche d'ozone (ultime manifestation du jemenfoutisme de certains esprits corrompus par l'appât de la rente). Et c'est également cette intelligence supérieure qui, à la suite des tyrans cherchant à sélectionner les individus pouvant habiter leur nation, s'est décidé à connaître les arcanes du système de codage (alias génétique) du corps humain. Vraiment, il serait bon d'utiliser un peu plus cette intelligence supérieure pour un peu mieux observer autour de nous. Pourquoi pas les animaux eux-mêmes, d'ailleurs ? Eux n'ont pas peur des persécutions et ne cherchent pas à détruire leurs semblables.
La théorie concernant la reproduction des êtres vivants nous dit que chaque individu est unique au sein de son espèce. Force est de constater que cette unicité est la plus évidente en considérant les hommes. Normal me direz-vous, c'est nous qui avons la chaîne d'ADN la plus complexe, donc la plus susceptible d'engendrer des individus radicalement différents. Et en effet, l'unicité des individus est une de ces réelles qualités de l'espèce humaine, car c'est elle qui fait de l'homme un animal intéressant du point de vue social. Les animaux eux aussi sont uniques au sein de leur espèce, mais cette différence entre les congénères est moins frappante, d'autant plus qu'eux-mêmes n'y attachent pas grande importance. C'est certainement une très bonne chose que de ne vivre qu'avec des êtres différents, mais malheureusement, on dirait que l'homme tend à vouloir effacer cette caractéristique d'unicité. En créant des modes, principes et règles de savoir-vivre, le désir de l'homme n'est-il pas d'homogénéiser ses fréquentations ? Ce but pourrait avoir deux explications, l'une plutôt animale de vouloir l'égalité entre les individus, l'autre (trop) humaine de se croire supérieur aux autres.
La fièvre de l'Internet (01/09/98)
A moins que vous n'ayez vécu les dernières années sur la lune, l'effervescence qui entoure le Réseau des réseaux ne vous aura certainement pas échappé, surtout à vous qui me lisez. Internet par-ci, Internet par-là, à toutes les sauces (modem, câble, satellite, courant électrique...) et pour tous les goûts (recherches, forums, communautés virtuelles, jeux en réseau...). Bref, Internet commence à devenir comme la radio et la télévision en leur temps pré-informatisé : ce qui se fait chez les gens de goût. Avant de commencer, comprenons-nous bien : je ne suis en aucun cas en train de dire que l'accès au Net devrait être limité à certaines gens. Mais on ne saurait nier que dans un futur proche, le Réseau deviendra aussi bouché que le Boulevard Périphérique un 15 août à midi et aussi commercial qu'un jeu télévisé sur TF1. Eh oui, Internet vit une véritable folie de mode ainsi qu'une maladie caractérisée par un étouffement et une marketisation, autant de symptômes m'autorisant le titre audacieux de "La fièvre d'Internet". Alors, à qui la faute ?
D'abord aux fournisseurs d'accès, car cet engouement généralisé pour Internet ne se fait principalement que pour leur propre avantage. On vous propose x heures gratuites d'essai (sans vous dire que si vous les dépassez, on commence à débiter de votre compte en banque) grâce à un spot de publicité sulfureux où on vous fait croire qu'Internet est un must indiscutable. Certes il est vrai que c'est un moyen de communication mondial, mais de là à en faire une nécessité, c'est un bond et non un pas qu'on effectue. Le schéma est simple : pendant ses heures d'essai, l'internaute juvénile doit en prendre plein les mirettes. Services en ligne, forums d'aide et pages d'actualité au programme mais quelques vagues liens enrobés de commentaires sirupeux et d'images interminables à charger à l'arrivée. Et l'internaute a l'impression qu'il va être productif, qu'il va pouvoir tirer quelque chose de vraiment utile de cet accès mondial, d'autant plus que son forfait gratuit ne dure qu'un mois et que de toute façons, les forfaits qu'on paye ensuite en tant qu'abonné incitent à rentabiliser ce forfait (en oubliant que chaque heure de connexion, France Télécom vous vole une dizaine de francs minimum). Certes une partie des internautes finissent par vraiment se sentir plus heureux avec leur accès, mais trop de gens n'ont - hélas ! - rien à y faire et encombrent les bandes passantes avec pour autre but que celui de faire comme le vulgum informaticus.
Je pense tout particulièrement à AOL, grand vainqueur de la course à la cyber-arnaque. Vous avez vu leurs pubs récentes avec ce coincé en T-shirt vert qui vous balance qu'on se connecte plus facilement au Net avec son système en conchiant d'autres fournisseurs peu réticents à l'emploi de termes comme "protocoles TCP/IP", "Serveur DNS" et "Adresse IP dynamique" ? Il se trouve que j'ai eu récemment l'occasion d'essayer leur programme d'accès et je peux vous dire que n'importe quel internaute expérimenté a de quoi en rire jaune. Comment peut-on imposer à ses abonnés une interface de navigation propriétaire lourdingue pour explorer un monde en constante évolution (pour ne pas dire : mutation) ? D'accord, la configuration du logiciel global prend quelques minutes mais vous masque une triste vérité du web : c'est compliqué. Et le jour où, comme plus des trois quarts des soumis à ce géant du web, vous décidez d'opter pour les systèmes plus courants (Netscape, Eudora, etc.), vous avez vos yeux à rouvrir et tout à réapprendre... alors que celui qui a cherché à approfondir sa compréhension dès son abonnement commencé saura se débrouiller, et ce même en se connectant depuis The Micro$oft Network, ce qui est vraiment une prouesse. Je vous le dis, Arnaque On-Line deviendra très prochainement au Net ce que Microsoft est au logiciel : un monstre se nourrissant du fric et du conformisme de ses clients.
Revenons à l'engorgement du Réseau. Sérieusement, qui pourrait nier que cette banalisation d'internet est dangereuse pour le Réseau lui-même ? Encore une fois, l'accès ne doit pas être réservé à une élite mais à des gens informés : le Net n'est qu'un moyen de communication à distance qui a ses exigences et ses limites, et non ce besoin que nous inflige la société de consommation. Bien sûr, beaucoup de gens font des choses intéressantes grâce au Réseau, comme dialoguer sur Internet avec des amis habitant à plusieurs milliers de kilomètres ou se procurer facilement mises à jour logicielles et documents importants ou encore bénéficier de l'expérience d'autres internautes dans les forums de news. Mais trop d'autres se contentent de l'aspect frime de cet accès, en exhibant leur adresse e-mail sur leur carte de visite pour faire hi-tech et en surfant passivement et anonymement sur quelques sites à la mode, histoire d'utiliser son abonnement. C'est à cause de tels utilisateurs que les technologies de "push" (vous n'allez plus chercher l'information mais on vous l'envoie) sont apparues : pour les grabataires parasites qui perdraient moins de temps en utilisant le câble et le satellite sur leur télé. Alors que le Net est un monde qui nécessite une participation active pour suivre une évolution plus humaine contre les affairistes qui ont saisi au vol l'impact du Réseau et cherchent par tous les moyens à attirer les surfeurs en leurs filets cybernétiques (notamment les fameux parasites, qui souvent se connectent sans même savoir quoi chercher).
Justement, parlons un peu du Net-marketing. L'Internet des pionniers, passionné, gratuit et sincère est en train de laisser sa place à l'Internet commercial, intéressé, payant et baratineur. Les plus bénéficiaires de ces commerciaux se permettent d'enfoncer le clou en proposant des services gratuits de boîtes aux lettres électroniques ou d'hébergement de pages web des plus attractifs. Mais la consultation du courrier par ces boîtes ne passe que par une visite régulière de leur site et l'hébergement impose des bandeaux publicitaires incontrôlables sur vos pages (comprenez qu'on ne contrôle ni leur emplacement ni leur destination, certains services allant même jusqu'à ajouter le code-source de ces panneaux eux-mêmes). Les sites amateurs sont encore nombreux, mais le plus souvent surpassés dans les moteurs de recherche par les sites commerciaux qui, la plupart du temps, ne font bénéficier de leurs service et leurs informations que contre un numéro de carte de crédit. En fait, ces sites commerciaux n'hésitent pas, pour apparaître avant leurs concurrents, à ajouter des mots-clés bidon dans les attributs de leurs pages (de récentes recherches de fichiers musicaux m'ont affiché de joyeux liens vers des sites, excusez l'expression, commerciaux du cul) et à profiter des index payants de certains moteurs auxquels les amateurs ne peuvent se soumettre malgré toute la passion et l'honnêteté dégagées dans leurs pages. Si ceci n'est pas du commerce à la cyber-canne à pêche et son cyber-appât, alors moi je suis un PCiste conformé (non, pas "confirmé", mais bien "conformé").
Je vois mal quoi dire en conclusion de peur de me répéter, si ce n'est que je comprends bien pourquoi les militaires et les scientifiques sont en train de créer Inernet-2 qui sera fermé au commerce et à l'amateurisme et pourquoi existe le Net Underground (Ni commerce, ni cyber-tourisme, rien que du libre échange ; vous ne connaissez pas ? Normal, c'est le but recherché !). Cette effervescence récente qui tourne autour d'Internet est bien compréhensible, car tout le monde doit avoir droit à l'information. Mais encore faudrait-il que ceux qui n'en font rien ne perturbent pas ceux qui en ont besoin, et que l'information soit encore la motivation principale du Réseau, ce qui est hélas de moins en moins souvent le cas.
Haïssons-nous entre amis (07/03/99)
C'est amusant, je sens vos regards curieux, voire crispés sur cette énième élucubration, comme si le titre d'un texte avait vraiment autant de pouvoir qu'on lui prête. Ne vous laissez surtout pas abuser par le côté apparemment méchant de mon titre, je vais, comme toujours, tenter de m'expliquer. Figurez-vous que cela fait déjà très (très) longtemps que je constate une chose, et ce n'est que récemment que j'ai essayé de réfléchir à la question : la Haine Ordinaire existe bel et bien ! Tadaaaa !
Hum, restons sérieux. N'avez-vous jamais remarqué comment parfois on peur détester certaines personnes sans même rien savoir sur eux ? Je ne parle pas forcément du faciès, dont on a d'ailleurs souvent bien tort de s'inspirer, mais de quelque chose de plus transcendant encore : il suffit de voir et entendre certaines personnes, lesquelles peuvent être exceptionnelles en réalité, pour qu'on les maudissent de façon incontrôlable. Je ne dis pas que nous ayons tous ce côté involontairement malsain ancré en nous-mêmes, mais je ne pense pas non plus être seul dans ce cas. Mais c'est toujours pareil : c'est bien difficile d'admettre cette idée-là. Souvent, on cherche des prétextes ou des excuses, si ce n'est des circonstances atténuantes. Que ceux qui n'ont jamais vibré à la tentation de tirer les oreilles à quelqu'un dont l'aura leur a déplu me jettent la première boule (de haine). Cela dit, si vous êtes certain de ne jamais avoir éprouvé de haine injustifiée alors ce texte n'est pas pour vous, M./Mme Perfection-Incarnée.
D'une façon purement personnelle, je suis arrivé à la conclusion qu'il ne fallait surtout pas avoir honte de ça. Le chemin a été long pour que l'humanité admette que l'animal humain pouvait parfois céder le contrôle de son être à des pulsions sensorielles pas très avouables. Et c'est le même genre de cheminement qu'elle devra suivre pour admettre comme normale l'existence de la Haine Ordinaire. A croire que notre amour pour certains crée notre haine pour d'autres, ce que confirmerait toute réalité vécue : un plus entraîne un moins et lycée de Versailles, comme dirait mon prof de physique, toujours à l'affût de jeux de mots drôlatiques.
Comment expliquer la Haine Ordinaire ? Avec tous les risques philosophiques que cela comporte, je vais me baser sur mes impressions à moi pour tenter d'en expliquer les généralités. Notez bien que je parle là des petites haines injustifiées, qui parfois ne durent que peu de temps, par exemple le temps de connaître un tant soit peu l'individu considéré. Je ne parle pas du tout des vraies haines, celles qui trouvent une explication justifiée dans les faits et gestes des gens. Celles-là sont un tout autre domaine fort intéressant à étudier, mais en tout cas pas pour moi aujourd'hui.
Certaines rares fois où je me suis retrouvé dans une situation d'absence de Haine Ordinaire (un séjour de vacances avec des potes très sympas, par exemple), je me souviens m'être rendu compte d'une drôle d'impression. Un peu comme un étouffement, une chaleur intérieure refusant de devenir extérieure. De cette impression je tire que (chez moi en tout cas), la haine a BESOIN d'être ordinaire. On a donc toujours besoin d'un plus petit et d'un plus chiant que soi. La psychologie de l'homme est une chose très compliquée, avec ses lots de bugs, qui se traduiraient non pas par des plantages mais par une envie frénétique de trouver quelqu'un qui nous semble particulièrement irritant. Une façon de se trouver soi-même supérieur, j'imagine. Ou de s'amuser un peu aux moments où on ne peut pas se le permettre.
Mais attention, autre point fondamental de la Haine Ordinaire : elle est strictement inoffensive (ou presque mais en tous les cas sans aucune gravité). J'insiste sur ce point : la Haine Ordinaire, de par sa nature plutôt difficilement avouable, reste toujours très secrète, surtout aux yeux de la personne qui en subit les foudres invisibles. La Haine Ordinaire ne semble appartenir qu'au domaine du fantasme pur et bien éloigné de notre monde de contacts mutuels incessants, ce en quoi elle devient immédiatement inoffensive. Car en effet, les seuls ennuis qu'elles peuvent entraîner sont des ennuis pour soi-même : au pire, on dit comme ça : "Ah la la, j'ai beau me décrotter le nez, ç'ui là j'peux pas l'blairer" et puis ceux qui vous entourent vous prennent furtivement pour quelqu'un d'un peu bizarre (ou pour un rigolo de service).
Dans ces conditions, on pourrait finir par se demander à quoi peut bien être utile la Haine Ordinaire, sinon a s'attirer des ennuis ? Eh bien sur ce point, je serais tenté de répondre "beaucoup de choses". A commencer par un peu de réflexion sur soi, comme j'ai essayé de le faire ici. Et puis accessoirement, on peut y regagner un peu de confiance en soi. En effet, même si l'on ne construit pas son bonheur sur le malheur des autres, on a parfois besoin de s'imaginer qu'on vaut plus qu'un autre pour se relever. N'avez-vous pas remarqué que c'est dans nos moments les plus difficiles qu'on "hait ordinairement" le plus facilement ? A votre avis, quelle meilleure explication concernant l'écriture de ce texte à la veille d'une rentrée scolaire ?
Bonnes Résolutions
ou
Coups de Gueule de la Nouvelle Année
(13/01/19100, bwa ha ha)
En ce début d'année 2000, il était pour ainsi dire de rigueur de gratter un petit quelque chose. M'enfin bon, j'avoue, j'avais déjà commencé à potasser cette nouvelle élucubration depuis un moment déjà. Mais vous savez ce que c'est, hein, le boulot, le dodo (mais pas le métro, car toujours en grève) et tout le reste des choses qui peuvent empêcher un homme de gratter du papier, tout virtuel soit-il. Tiens, ben puisqu'on parle de virtuel, voilà un bon sujet pour démarrer cette nouvelle aventurer techno-littéroïde.
Je vais aborder ici le sujet du plus gros flop de cette fin d'année 1999. Non, pas le compteur de la Tour Eiffel, quoiqu'il y en aurait à redire, hein, mais attendons plutôt les résultat de l'enquête judiciaire ouverte dès le lendemain du sombre drame (c'est le cas de le dire) qui déterminera avant toute chose le nom du responsable de cette catastrophe nationale, ainsi que le temps que ce sinistre individu devra passer en prison pour crime contre l'humanité, étape complètement prioritaire après découverte d'un problème. Non, je veux parler de la plus triste des cibles que l'homme ait choisi pour envoyer un noir boulet de canon, à savoir elle-même. Non non non, je ne veux pas parler de la paix mondiale que notre conscience pantouflarde espérait au moins en cette période de fêtes (le jour même de Noël, les russes lançaient leur offensive contre la capitale tchétchène... sisi, rappellez-vous, ils l'avaient dit à la télé entre deux reportages sur les papas noël chez Auchan et les familles nombreuses en train de se pochtronner en l'honneur de l'anniversaire d'un drôle de gars qui de toute façon n'est même pas né à cette date du 25 décembre, même qu'on en est maintenant tout à fait certain). Ce dont je voudrais parler maintenant, en vous demandant de bien vouloir cesser de m'interrompre comme ça, c'est LE non-événement de cette année passée à attendre avec la trouille au ventre l'arrivée inexorable de l'apocalypse. Oui, j'a nommé le Grand Bug. Pardon, le Grand Bogue. Ah, mes amis, que le Grand Bug me bogue si jamais un jour j'en viens à dire qu'il s'agit là d'un sujet anodin.
Ah... le Grand Bug. Entre les industriels qui prévoyaient un black-out général, les analystes un désastre économique et les particuliers l'explosion de leur petite centrale nucléaire Wintel personnelle, ça en fait un nombre de gens plus ou moins agréablement surpris par le Bug qui semble avoir plutôt joué le rôle de pétard mouillé que d'astéroïde exterminateur. Deux jours après, réaction classique chez les polémistes, on repense aux milliards d'unités monétaires mises sur la table pour se prémunir du fameux Bug. Et là on assiste au raisonnement classique de ceux qui ont envie de gueuler parce que leur réveillon s'est pas aussi bien passé que celui du voisin, parce que leur occupation professionnelle consiste justement à gueuler contre tout et rien, ou simplement parce qu'ils ont envie de gueuler contre n'importe quoi. Ce raisonnement, je le résume par une équation assez simple :
Pas de black-out = pas de bug = argent gaspillé = bouh les vilains responsables des budgets
Lumineux, non ? Ca ne vous rappelle pas quelque chose comme les polémiques de vaccinations dans les pays du Tiers-Monde ? Une fois la menace d'épidémie écartée, il y en a toujours pour venir pleurer comme des clochards "Mais l'épidémie n'a pas eu lieu, c'était donc inutile !" Evidemment.
Comprenons-nous bien : je ne suis pas en train de défendre les partisans du "Allons, allons, laissez faire les pros et arrêtez de vous plaindre". Il est bien évident que bon nombre de gens ont profité de la peur des gens pour se faire de l'argent. Comme à chaque fois. J'ai justement encore à porter de vue le CD utilisé par un proche sur son PC pour s'assurer que son ordi passait l'an 2000. Il coûtait 50 F en magasin et se contente de regarder si votre horloge affiche l'année sur quatre chiffres.
Ma position, à défaut d'être vraiment neutre, n'est quand même pas de louer les encravatés du computerchandising. Mais ceux contre qui je m'élève sont ceux qui n'y connaissent rien et qui croient avoir raison simplement parce qu'il est facile de mettre le contribuable de son côté. La preuve : regardez le succès de toutes ces émissions qui dénoncent hypocritement les bévues de l'Etat avec l'argent public, comme si les gens à l'origine de ces émissions n'en avaient jamais fait avec l'argent de leur parents lorsqu'ils étaient plus jeunes. Il est tout de même normal de penser à réparer une lacune infligée à la majeure partie des systèmes informatiques et qui plus est par négligence. Car il est bien évident que ce bug n'en est pas un : un bug est une erreur de programmation non souhaitée et qu'on répare dès qu'on le détecte (sauf quand on travaille pour certaines multinationales spécialisées dans le racket... pardon le marketing informatique). Ces dates sur deux chiffres ont été adoptées pour des simples raisons d'économies de mémoire et donc d'argent. Et lorsque certaines personnes soucieuses ont commencé à faire remarquer que ça risquerait de créer des problèmes, on les a fait taire, parfois même sous la menace. N'était-il donc pas NORMAL de corriger cette négligence ?
J'effectue une magnifique transition pour aborder mon second thème : la négligence est partout, même là où ça peut devenir dangereux. Et quelle meilleur exemple que le tapage judiciaire qui a lieu autour de celui fait trembler tout l'édifice du paiement des cartes bleues en France ? Pour ceux qui auront oublié de s'informer un minimum ces derniers mois, je vous resitue l'histoire et les faits. Automne 1999, Serge Humpich, jeune ingénieur de banlieue parisienne, trouve le moyen de contourner la protection des cartes bancaire à puce sur la plupart des terminaux de paiement installés dans le pays, le GIE ayant vraisemblablement quelque peu négligé la protection du terminal en faveur de la puce sur la carte. Inquiet des possibles et même vraisemblables utilisations malhonnêtes que pourrait en faire d'autres personnes arrivant au même résultat, il entre en contact avec le GIE. Anonymement et par l'intermédiaire d'un avocat, question de prudence. En effet, la France reste parmi les seul pays dont les industriels ne s'arracheraient pas à prix d'or un tel spécimen pour sécuriser leurs systèmes.
Son avocat établit alors le contact avec le GIE dans le cadre d'une procédure de cessation avec exclusivité de savoir-faire tout à fait banale. Le groupement, évidemment sceptique quant au sérieux du prétendant, refuse de croire l'histoire. Devant l'insistance de l'avocat, lequel est un expert réputé des affaires de brevets, le GIE livre plusieurs cartes vierges en demandant à Serge Humpich d'essayer d'en tirer quelque chose. Deux de ces cartes ont été préalablement faussées mais ça n'arrêtera pas notre challenger qui arrive à obtenir des tickets de métro au moyen de ces cartes, et ce dans plusieurs stations différentes. Mais là était le piège : si le GIE s'est à partir de cet instant montré prêt à négocier devant l'avocat, ils portent plainte par-derrière à l'encontre de Serge Humpich pour utilisation frauduleuse d'un moyen de paiement, crime sanctionné, pour rappel, de 7 ans de prison et d'un million de francs d'amende. Le procès a eu lieu le 21 janvier dernier lors duquel le GIE a ouvertement traité Serge tour à tour d'escroc et de terroriste.
Et je pose la question : quelle parodie de justice oserait reconnaître coupable cet homme honnête qui a instinctivement cherché à accélérer le développement d'une meilleure protection du système sans JAMAIS profité de sa découverte à des fins malhonnête ? Les négociations engagées étaient, on peut le dire sans aucune crainte de se tromper, tout à fait NORMALE. Seulement voilà : en France, les organismes publiques n'aiment pas se faire montrer du doigt. Ce que Serge Humpich n'a même pas fait puisqu'il n'en a aucunement parlé à quiconque en dehors de son avocat et du groupement avant que la plainte ne soit déposée. Mais le GIE tient à immoler son martyr au nom de la compétence professionnelle dont il se veut un exemple. Et n'oublions pas que changer les terminaux à risque coûterait au groupement la bagatelle de 30 milliards de francs. Il serait tout de même plus logique de mettre en examen le GIE lui-même pour avoir étouffé une affaire de sécurité nationale. Car il est bien évident que maintenant qu'il a été montré qu'on peut exploser ce système de protection, de nombreuses personnes vont se lancer dans la brèche. Il est même étonnant que le groupement des cartes bancaires prennent un tel risque alors qu'en acceptant le contrat d'exclusivité proposé par Serge Humpich dès le départ.
Moralité : si toi être français et que toi avoir trouvé un moyen de nuire au pays en t'enrichissant, ne pas en référer directement aux responsables de la brèche : ils te tomberont dessus. Quelle que soit l'issue du procès et la réaction du GIE concernant les terminaux incriminés, leur réputation et leur sérieux concernant le peuple français ont au moins le mérite d'être clair. Et j'espère pour le GIE que ses ingénieurs préparent un système béton et évolutif pour protéger leurs cartes, car ils peuvent être maintenant sûrs que plus personne ne viendra négocier avec eux, surtout quand tout plein d'organismes mafia-like se trouvent être beaucoup plus ouverts à telles découvertes.
Et bonjour chez vous !
Rêves à la dérive (13/03/2000)
Au moment où je commence à écrire ces lignes, je viens juste d'entendre une annonce sur une quelconque chaîne câblée. Ca disait à peu près ceci : "Grâce à notre émission consacrée au jeux vidéo, vous saurez TOUT sur ce monde virtuel". J'ai conservé le plus de terme exacts possibles dans cette reformulation. Le plus drôle est qu'il s'agit d'une émission hebdomadaire d'une heure... pour un sujet aussi vaste que le jeu vidéo actuellement ! Mais ne polémiquons pas, après tout, s'ils se permettent de prétendre tout dire sur le contenu de l'actualité vidéo-ludique de la semaine en une heure seulement, c'est qu'il doit y avoir des gogos pour y croire. Là n'est pas l'objet de ce gratouillage. Voyez plutôt : cette réclame concerne les jeux vidéo, qui est un domaine virtuel, donc plus ou moins un domaine du rêve... ça me permet de caser ce génial jeu de mots que vous avez lu dans mon titre ! Comme quoi, les chaînes câblées, ça peut parfois, au hasard de la chance, servir à quelque chose. En l'occurrence captiver votre attention. Allons-y donc.
Ha, le jeu vidéo... pour l'écrasante majorité de la population ayant connu l'essor de ce phénomène dans sa jeunesse, la question n'est certes pas "le jeu vidéo a-t-il changé ma vie ?", mais "comment le jeu vidéo a-t-il changé ma vie ?". Le jeu vidéo, c'est jeune, c'est mode, c'est cool. Un copain arrive à la maison et on n'a aucune idée de ce à quoi on va l'occuper pour lui faire croire qu'on a pensé à lui ? Hop, on le plante devant sa console. On se rend compte qu'on vient d'allumer son ordinateur sans même avoir la plus petite idée de ce qu'on va faire dessus ? Zou, on lance un jeu, histoire de justifier la consommation électrique de l'engin. En vérité je vous le dis, le jeu vidéo c'est d'la balle. De tennis. Ou de foot. Ou de basket. Qu'importe, de la balle, je vous dis.
Mais alors pourquoi ce titre alarmiste ? Minute, j'y viens. Comme je le disais, les jeux vidéo, c'est cool, jeune, etc. Pourquoi ? Parce que ça répond à plusieurs besoins plus ou moins essentiels de l'homme : se défouler, passer le temps, mesurer ses capacités intellectuelles et ses réflexes, rêver... J'étudierai ici plus particulièrement le besoin de rêver, le reste étant tout à fait du ressort de tout un chacun. Etude qui sera menée avec pour objectif celui de vous faire comprendre pourquoi je trouve que la clause "rêve" du contrat liant le concepteur et l'utilisateur d'un jeu vidéo est de moins en moins respectée au fil du temps. Notre époque atteignant, à mon goût, un seuil pour le moins critique que je qualifierais facilement, en exagérant un tout petit peu, de foutage de gueule. Comme à mon habitude, je tiens à ce que mes courageux lecteurs comprennent que je n'exprime là rien d'autre que mon avis. Je sais qu'il est partagé par de nombreuses personnes que je connais mais ça ne m'empêche pas de considérer que toutes les opinions possibles existent quelque part. Ne venez pas m'accuser de vouloir faire de l'absolu, de l'indiscutable. Je serais même content de recevoir vos réactions.
Venons-en donc à la motivation de cet écrit. J'aime à me rappeler du temps où le moindre jeu pouvait me captiver des heures et des heures (pour peu qu'il bénéficie d'une réalisation correcte, s'entend). Autant de temps que j'aurais parfaitement pu consacrer aux autres activités que j'appréciais à l'époque. Mais non, je le passais devant un écran. Je me souviens très bien du premier jeu vidéo auquel j'ai joué : il s'appelait "Kung Fu", et c'était sur une console NES (Nintendo Entertainment System, console apparue sur le marché français en 1985). Le temps passé à latter les méchants au moyen de coups de pied et de poing est impossible à comptabiliser, mais je me laisserais bien l'évaluer à plusieurs centaines d'heures au total. Puis est venu le premier Mario bros., que je ne vous ferai pas l'affront de présenter ici. Puis il y a eu les autres consoles et mes premiers micros, les autres de Nintendo, celles de Sega, un Atari, un Mac classic, et ça a continué. Quand je repense à cette époque, je me rends compte que tous ces jeux auxquels j'ai joué comme un mordu on très certainement plus captivé mon esprit que les meilleurs romans que j'ai lus à l'époque (même Jules Verne que j'adorais tout particulièrement). Et aujourd'hui, j'en suis arrivé à la question du "pourquoi". Question dangereuse, dans la mesure où il m'est bien difficile aujourd'hui de m'attacher aux innombrables jeux vidéo qui sortent coup sur coup de nos jours. Notez que je parlerai surtout ici de consoles, les jeux sur micro-ordinateur constituant un monde relativement à part, du moins jusqu'à récemment.
J'ai tenté d'apporter une réponse simple : l'âge. Ayant aujourd'hui vingt ans (sisi !), il eût été possible que l'intérêt pour les jeux vidéo se soit estompé chez moi avec les années, que les histoires de tous ces jeux ne soient plus arrivées à captiver mon imagination comme autrefois, et que globalement je sois victime de l'indifférence adulte, celle qui refroidit jusqu'au plus imaginatif des enfants de notre civilisation actuelle. Eh bien non. Et je le prouve avec deux arguments : primo, certains jeux qui sortent actuellement arrivent à me captiver vraiment (comme avant) et deuxio, c'est en jouant à des jeux de l'époque où j'étais plus jeune (ou moins vieux ?) que je comble ce vide laissé par les jeux d'aujourd'hui. Pour être bref, je suis convaincu que trop peu de jeux d'aujourd'hui soient passionnant, ou du moins autant qu'avant. Pour être encore plus bref, je reprendrais la formulation de pensée à la mode actuellement : "Les jeux vidéo, c'était mieux ââaavant".
Essayons de comprendre en quoi le temps qui a passé depuis la glorieuse époque des années 80 au début des années 90. A cette époque, les machines étaient limitées. Oh, ça oui. Même si on trouve que les machines d'aujourd'hui le sont aussi ("Holala, on peut pas afficher plus de 10 millions de polygones par seconde ? Pfff, ça flingue littéralement notre créativité, ça !"), on peut difficilement comparer les machines de l'époque à celles d'aujourd'hui. Chacune de ces machines dépassées on apporté leur lot de nouveautés : la NES le scrolling horizontal, La Master System un affichage net, coloré et détaillé, la Megadrive une qualité sonore (FM instrumentale) et une profondeur graphique impressionnante que la Super NES est venue compléter par les sons échantillonnés (PCM) et des effets graphiques inédits (Mode 7, affichage multi-couche avec transparence...). Bref, des révolutions par à-coups. Sur micro, l'évolution s'est fait de manière plus limpide, suivant l'augmentation en puissance des machines et des outils de développement. Cette époque où les développeurs rivalisaient d'ingéniosité pour exploiter au maximum les possibilités de la machine a donné naissance à une myriade de succès mérités, tant au niveau technique que "player fun", ce qualificatif qu'on utilise couramment pour parler de l'adhérence qu'un jeu exerce sur le joueur.
Et aujourd'hui, alors ? Les succès existent toujours, on se doit de le remarquer. Mais de quels genre de succès s'agit-il ? La plupart du temps de succès commerciaux. Observez, plutôt : on ne parle plus d'équipes de développement qui bossent sur un jeu, mais de moyens investis pour pondre ledit jeu. Le succès d'un jeu n'est plus mentionné que par des chiffres de vente, plutôt que des qualités objectives. En gros, le monde du jeu vidéo est devenue une réelle industrie, alors qu'elle gardait quelques traces d'artisanat à la glorieuse époque dont je vous parlais. On se souviendra, à titre de référence, de la qualité indéniable du jeu "Another World", développé par un français tout seul. Aujourd'hui, les équipes de développements sont composées au minimum de 20 personnes, dont au moins 10 graphistes. Et ces équipes ne sont plus tenues par des exigences de qualité, mais par des délais temporels résultant de stratégies totalement commerciales. Il en résulte plus que souvent des jeux, même si généralement réussis des points de vue "emballage", sans guère plus de profondeur qu'un roman érotique.
Je situerais bien le seuil temporel ayant vu l'émergence alarmante de cette tendance à l'année 1995, année de sortie de la Playstation (alias PSX). Oui, vous l'aurez compris, j'accuse ouvertement la console de Sony d'avoir lancé cette vague de fond qui est en train de tuer l'art du jeu vidéo sous la déferlante de pièces de monnaie. Bien sûr, les jeux à visée commerciale ont existé avant, et bien sûr des jeux honorables existent tout de même depuis, comme par exemple Castevania Symphony Of The Night ou l'excellent Metal Gear Solid qui est tout simplement excellent à tout point de vue (mais qui comme par hasard est la suite de Metal Gear 1&2 sortis respectivement 11 et 9 ans auparavant sur NES, après un premier opus sur MSX en 1987). Mais je ne saurais être plus honnête avec moi-même. La machine de guerre qu'est la PSX a, en l'espace de quelques années, changé toute la donne en matière de développement de jeux vidéo. Qui, avant que ne sorte Ridge Racer, aurait un jour pensé à publier un jeu de conduite avec seulement 3 circuits ? Et sur un CD-ROM de 650 Mo, qui plus est ! Le moindre jeu du même genre, même sur NES comme Rad Racer (développé par Squaresoft - tiens donc - en 1987) ou RC Pro-Am (de chez Rare, même année) présentaient plusieurs dizaines de circuits ! Et il ne s'agit là que d'un exemple.
J'ai longtemps réfléchi pour m'expliquer ce qui a amené cette sorte de déchéance du jeu vidéo. J'en suis arrivé à deux réponses à mon avis envisageables. La première, vous l'avez lu quelques lignes plus haut : l'argent. Autrefois, il n'était pas rare que le développement d'un jeu vidéo se passe tout d'abord en dehors d'un réel objectif pécuniaire. Maintenant, ça n'empêche pas des géants commerciaux d'émerger comme Nintendo qui a réussi l'exploit de relancer le marché du jeu vidéo qui vivait une période de crise extrêmement sévère (souvenez-vous, le début des années 80... pratiquement autant de plate-formes que de jeux !) et d'amasser ce qu'on peut vraiment appeler un trésor de guerre, parfois même au moyens de méthodes pour le moins déloyales - cette époque ayant été une véritable période de jungle sans loi. Mais en toute objectivité, le succès de la NES était mérité tant certains jeux étaient vraiment géniaux. Puis sont sorties successivement les 2 consoles de Sega, la Master System et la Megadrive, qui ont connu un certain succès en Europe grâce à des jeux tout aussi intéressants (mais trop peu nombreux, Sega n'ayant pas l'envergure monétaire d'un Nintendo) et un marketing intelligent et honnête. Après est sortie la Super NES de chez Nintendo, console constituant à mes yeux la console la plus intéressante. Avec ses atouts multiples dans tous les domaines, nombre de jeux particulièrement excellents ont vu le jour, avec des développeurs de choc comme Capcom, Konami, Square, Rare ou Enix.
On est arrivé à de véritables petites oeuvres d'art comme Chrono Trigger, Donkey Kong Country, Super R-Type ou Actraiser. Des jeux qui dégagent une aura incroyable, qui vous scotchent à votre écran de télé pendant des heures et vous donnent une certaine impression de plénitude lorsque vous éteignez votre console. Et aujourd'hui ? Les vedettes du box-office ont pour nom Tekken, Ridge Racer, Tomb Raider... des jeux qui ont bien évidemment tous un certain intérêt (sinon ils ne se vendraient pas, il ne faut quand même pas caricaturer), mais qui privilégient beaucoup trop les qualités "immédiates", les fameuses qualités d'emballage, que je mentionnais tout à l'heure, et ce au détriment de la profondeur du jeu, sa finition. Il n'y a qu'à regarder dans la plupart des magazines consacrés aux consoles, les catégories sont en général les suivantes (classées à peu près toujours dans le même ordre) : Graphismes, Animation, Sons, Présentation... pour en arriver à l'intérêt du jeu à la fin. A l'époque des "vieux" jeux, il en était autrement... j'encourage ceux qui ont conservé des "Tilt" ou des "Génération 4" de l'époque d'aller s'y replonger (c'est passionnant à un point qu'on ne peut pas soupçonner).
Ce que je vais vous dire maintenant va très certainement vous sembler très subjectif, mais pratiquement aucun des jeux actuels que je trouve vraiment intéressants sont sur la console de Sony. J'ai sans doute un certain ressentiment inconscient à l'égard de cette machine, mais s'il existe bel et bien, il y a certainement une raison à cela, non ? La PSX a introduit la 3D au marché du jeu vidéo, qu'on entend de partout... totalement faux ! Les jeux simulant ou utilisant réellement la 3D existaient déjà depuis. Et je le prouve : Starfox (de Nintendo, 1993) et même Vette! (de Sphere, 1991) utilisaient des moteurs 3D temps réel. Avec bien sur peu de textures et des effets assez limités, mais le principe était bel et bien là : polygones, mapping, perspective, ombres projetées... La Playstation n'a fait qu'unifier des techniques connues, j'insiste sur ce point car je ne supporte pas d'entendre dire que Sony a révolutionné le Jeu Vidéo à elle toute seule. Elle a par contre, et là c'est indéniable, révolutionné le marché du jeu vidéo ; avec une politique commerciale perspicace, ouverte et agressive. Avec la suite qu'on connaît : la foule de développeurs déjà connus et d'autres qui venaient de naître se sont jetés sur cette plate-forme promise à un énorme marché, sa seule concurrente de l'époque, la Saturn de Sega, même si sortie en même temps avec grosso modo les mêmes caractéristiques, accusant déjà des sévères défauts.
Aujourd'hui, l'effervescence qui entoure la 3D est une chose que je trouve assez inquiétante. Car ce qui devait n'être qu'une catégorie s'est imposé comme le standard de développement. Adieu les jeux en 2D précalculée si simples à prendre en main et procurant, de par leurs limitations, de réelles avancées dans la profondeur des jeux, cette profondeur n'étant aujourd'hui que celle apportée par la troisième dimension. C'est à dire un aspect purement esthétique du soin apporté au développement d'un jeu vidéo. Heureusement qu'il reste quelques renégats qui, même s'ils ont été contraints d'attraper le train de la 3D, n'ont pas perdu de leur créativité et de leur finesse, comme Nintendo, Sega, Rare ou Konami qui, contrairement à certains comme Square et Capcom, n'ont pas sombré dans une politique de rente à tout prix qui a terni à jamais aux yeux de nombre de joueurs d'antan la renommée des jeux comme Final Fantasy (avec la sortie du septième opus). Heureusement qu'il nous reste des jeux comme les Super Mario et ses dérivés, F-Zero, Donkey Kong, Sonic ou Zelda (dont le dernier volet s'est vu décerner - et à juste titre - deux prix en tant qu'oeuvre d'art), autant de merveilles ludiques témoignant que le navire n'a pas encore définitivement sombré.
Pour conclure, je citerai une console que je n'ai jusqu'ici pas mentionnée : la GameBoy. Savez-vous que cette console, vieille de dix ans (le Zilog-80, deux fois plus vieux, qui pilote la console en sait quelque chose) et qui n'a connu pour évolutions que l'apport de la couleur et une diminution de la consommation électrique connaît une courbe de croissance supérieure à la console de Sony, qui a pourtant écrasé ses concurrentes ? Bon d'accord, cette croissance est en partie due au phénomène Pokémon qui, en digne successeur (killer ?) du Tamagotchi, est là pour rappeler que Nintendo n'est pas un ange en matière de grous-sous, mais on assiste actuellement à un véritable retour aux sources : même des jeux PSX sont adaptés pour la petite 8-bits (qui reste toujours la console s'étant la plus vendue dans le monde) et sa soeur, la GameBoy Advance voit sa date de sortie constamment repoussée pour ne pas nuire au succès de son aînée.
Il est, que je crois, grand temps qu'on retrouve et qu'on aclame haut et fort les multiples qualités des jeux vidéo de l'époque pré-PSX.
Qui veut la peau de Ronald (26/07/2000)
Le coup de gueule, pardon de plume, d'aujourd'hui s'adresse aux personnes se prétendant en exercice de protection du consommateur en luttant contre ce qu'il est courant d'appeler la "malbouffe". C'est un phénomène assez récent que cette révolte contre les fast-food et autres dispensaires de nourriture rapide. Même si ce style de nourriture est déjà assez ancien (une trentaine d'années, sinon plus), ce mouvement avait besoin d'un contexte propice pour faire passer ses "arguments", comme la vache folle, les farines animales et les OGM. Je vais garder le terme de "malbouffe" dans cet écrit pour faire simple, puisque c'est maintenant un terme plus ou mois officiel, en tout cas banalisé. Mais vous vous apercevrez qu'il s'agit ici bel et bien d'un plaidoyer pour la défense des MacDo. Je prendrai pour référence cette chaîne-là car il se trouve qu'elle est la cible privilégiée de tous ceux qui se prétendent contre la malbouffe. En fait, j'irai même jusqu'à dire qu'ils ne ciblent que celle-ci, oubliant que le mouvement de la nourriture dite "fast" a été enclenché il y a maintenant longtemps et sous des formes beaucoup plus nombreuses. Certains parmi mes lecteurs penseront que je me fais l'avocat du diable, mais ils se méprendront sur ma volonté. Anti-extrémisme que je suis, je ne soutiendrai ni ces "révolutionnaires", ni les affairistes des fast-food, mais le droit de choix que tout consommateur est en droit d'attendre de la société dans laquelle il vit.
Ca n'est plus tout à fait l'actualité ces jours-ci (on en est à l'échec pseudo-officiel du G8 et du crash du Concorde à l'heure où j'écris ces lignes), mais c'était il y a quelques semaines que commençait le procès de José Bové et sa destruction intentionnelle d'un "dispensaire de malbouffe", j'ai nommé... un MacDo. Motifs invoqués : "on en a marre de cette nourriture standardisée et pourrie jusqu'à la moelle de composants douteux et de goût plus que discutable". Alors on va reprendre ça avec des pincettes, car il s'agit là de quelque chose d'au moins aussi risqué à approcher que ce qu'ils montrent du doigt. Vous aurez donc compris que je vais développer ces trois points-clés que sont la standardisation, la qualité et le goût. Allons-y donc, et faisons fi de la mauvaise foi à la bonne franquette.
La standardisation est le principe selon lequel un produit fabriqué le plus possible à l'identique rapporte plus d'argent qu'un produit étudié et ciblé pour chaque marché en particulier. Tout le monde doit être logé à la même enseigne et au même prix n'importe où et n'importe quand, avec à la clé un gain substantiel de garanties, d'efficacité et d'argent. J'ai dit "pas de mauvaise foi", donc je ne vous dirai pas que Mac Donald's ne la pratique pas. Parce que c'est vrai, et même à tour de bras : un Big Mac est à peu près le même n'importe où sur le globe où la main de Ronald a mis le pied, avec environ le même temps de préparation et la même recette, soigneusement écrite dans le grand livre spécial de la chaîne. De plus, quand vous y entrez, tous les employés sont habillés de la même façon, de celui qui prend les commandes à celui qui balaye en passant par celui qui prépare les plats. L'intérieur de la bâtisse est uniforme dans chaque pays et le logo totalement uniforme. D'accord. Mais où est le mal dans tout cela ? Dans le fait que ce sont des réalisations humaines sans aucun charme, sans aucun tact, sans aucune atmosphère de convivialité ? Allez dans n'importe quel bistrot ou n'importe quelle sandwitcherie considérée comme "normale" et vous y trouverez les mêmes choses : produits identiques empilés les uns sur les autres, des vendeurs qui se sont dressés à sourire aux clients et les mêmes boissons populaires. La standardisation est partout ! Mais ce qui en donne la désagréable impression chez MacDo, c'est quand on s'aperçoit qu'il y en a partout en France. Maintenant regardez attentivement les autres restaurants à succès qu'on considère pourtant comme "de bonne qualité" : Courte Paille, la Brioche Dorée, l'Arche (sur les autoroutes), les sandwitcheries populaires comme Croc-o-pain ou même les wagons-bar de la compagnie des Wagons-Lits... tous les ingrédients de standardisation s'y retrouvent sans exception. Seulement évidemment, comme ce sont des chaînes françaises, on n'ose pas y toucher. C'est toujours plus facile d'accuser l'envahisseur ricain, tout comme on finit par taxer certains immigrés de fainéantise, de violence gratuite, voire même d'infériorité notoire. Gardons la tête froide et l'oeil objectif, la standardisation se retrouve dans toute compagnie qui a plusieurs succursales et qui veut des profits.
Passons maintenant à l'autre argument à la mode contre la malbouffe ricaine : la qualité. Là, je sais que je vais en choquer plus d'un en attribuant un bon point à une grande partie des chaînes de restauration rapide, mais je vais tenter d'argumenter ce point de vue. Ceux qui ne sont pas capable de lire un texte argumentatif comme il est nécessaire de le faire, c'est à dire en refusant la règle de l'objectivité auront probablement envie de m'insulter pour cet odieux écrit pro-US et anti-français. Ils auront sans doute refusé de comprendre mon intention en éteignant leur cerveau. Et à ces gens-là, j'estime n'avoir aucun compte à rendre. Voilà qui est dit, donc venons-en à la qualité de la bouffe dans ces chaînes. J'ai entendu dire maintes fois "les ingrédients des MacDo, quand on sait d'où ils viennent, on s'aperçoit qu'ils proviennent d'élevages et de cultures peu recommandables". Sans doute en comparaison avec les autres restaurants qui se fourniraient dans les fermes paradisiaques. Ceci constitue une erreur grossière, et dans les deux sens du terme : en France, les fast-food sont la tranche de restaurants la plus scrupuleusement surveillés par les autorités sanitaires, et ce n'est pas nouveau. Et par la même occasion, nombre de restaurants "respectables", sous-contrôlés, n'hésitent pas à écumer leurs stocks périmés dans l'assiette des clients. Douche froide au pays tout vert des extrémistes anti-malbouffe : la qualité existe et elle est réelle dans les fast-food : toutes les viandes bovines sont totalement identifiées et contrôlées, les légumes sont achetés dans des fermes françaises et les installations de cuisine sont rigoureusement aux normes de sécurité. Que celui qui en doute encore se renseigne, tout est vérifiable, jusqu'au client lui-même qui, en levant un peu la tête de ses pompes, pourra voir sa nourriture préparée sous ses yeux. Mais que penser de ces restaurants et sandwitcheries qui préparent leur stocks de toute la journée le matin en cuisine et en tout cas hermétiquement fermée au regard ? On a relevé nombre de cas de fromages et autres produits réputés "du terroir" n'étant en réalité que des produits de qualité sous-traitée, surgelés et parfois même ayant largement dépassé leur date de péremption. Dans un MacDo, n'importe quel produit cuit ayant dépassé les 8 minutes sur étalage est impitoyablement jeté à la poubelle. Un seul fournisseur de nourriture "non-fast" pourrait-il en revendiquer autant ? Et pour finir, l'argument des bovins en surnombre et des poulets entassés... c'est vrai chez MacDo, mais partout ailleurs également. L'élevage et la culture ne sont aujourd'hui que de la sous-traitance qu'un fournisseur peut exécuter comme il lui convient : le restaurant, quel qu'il soit, ne cherchera même pas à savoir ce qu'il en est tant que ses prix sont assurés. Ouvrez un peu les yeux, les extrémistes : qu'on considère tout ça comme de mauvaise ou de bonne qualité, toutes les bouffes s'y retrouvent.
Et je garde le meilleur pour la fin : la bouffe des MacDo est conspuée par des pseudo-arguments de goût et de sécurité pour l'organisme. Une honte d'entendre de telles bêtises de la part d'humains capables de penser. Vous aimez ? d'accord. Vous n'aimez pas ? et alors ? Pensez-vous réellement que s'il s'agissait d'un nourriture écoeurante, tant de gens s'agglutineraient dans les files d'attente de midi et du soir pour en consommer ? On va sûrement me rétorquer une maxime à la mode en ce moment (on l'a servi un nombre incalculable de fois à Microsoft à propos du fait que les utilisateurs sont presque obligés d'acheter ses logiciels pour des raisons de compatiblité) : "cent millions de mouches ne sauraient avoir tort : bouffez de la merde", mais c'est hors-sujet et je ne prendrai pas le temps d'expliquer pourquoi ici. Bon, d'accord, finalement j'explique brièvement : le MacDo n'est PAS un monopole ! Un monopole sur un style de bouffe particulier, oui. Mais pas un monopole sur la bouffe tout court. Réfléchissez un instant et vous verrez : les surgelés de Monoprix et les restaurants universitaires font eux aussi des chiffres bien gras, à l'image de leurs produits tout aussi vraisemblablement saturés que ceux des fast-food. Et j'en arrive à l'argument du pauvre, celui qui ne sait plus quoi dire pour dégueuler le contenu inexistant de son estomac vide sur le MacDo du coin : "le Maque-daux, c'est gras, ça fait grossir et c'est plein de kolestérolle". J'en ris encore. Apprenez, chers adeptes de la bouffe maigre, que n'est dangereux pour le corps humain qu'un style de nourriture répété et banalisé. Que celui qui arrivera à me prouver qu'un ou deux repas par semaine au MacDo est dangereux pour la santé se manifeste, s'il vous plaît. Il est évident que manger ce genre de bouffe tous les midis est dangereux pour l'équilibre de l'organisme des omnivores que nous sommes... les carences sont visibles (un exemple bien connu : le scorbut, que les marins attrapaient en ne mangeant que du poisson lors des grandes traversées). Mais mangez un surgelé Findus tous les soirs et vous connaîtrez les mêmes problèmes. Et on aura beau vous marteler que les plats Fleury-Michon ou les légumes en boîte Bonduelle sont si bons, la première nécessité est de varier les menus ! Tout comme on doit varier ses lectures, ses musiques et ses activités pour ne pas sombrer dans l'ennui, on doit varier son alimentation pour ne pas tomber dans les carences. Parlez-en à un nutritionniste sérieux et vous verrez.
Pour conclure, je dirai qu'il faut remettre le MacDo à sa place : il ne s'agit que d'une simple chaîne de restauration qui se focalise sur une tranche (c'est le cas de le dire) de l'activité visant à distribuer de l'alimentation : celle de la restauration rapide. Beaucoup de gens que je connais ne pourraient même pas imaginer de mettre un jour les pieds dans un MacDonald's ou un Quick... Ils ont sans doute l'impression que c'est le domaine de ceux qui ne savent pas manger correctement. Il s'agit là d'un comportement tout aussi borné et irréfléchi que celui de ne manger que dans ce genre de restaurant tous les jours. Car, j'espère que vous l'aurez compris, je ne suis pas en croisade contre les produits "du terroir" ni pour justifier que les fast-food fassent un chiffre incroyable sur le dos de gens qui ne savent manger que là. Non, je mène ma campagne contre ceux qui s'opposent au choix que tout le monde est (encore) libre de faire dans son alimentation. Personnellement, j'aime bien la bonne cuisine, j'aime faire plaisir en préparant un bon plat et en en savourant un dans un restaurant. Mais j'aime aussi, les soirs où je rentre tard et que je n'ai envie de faire ni la cuisine ni la vaisselle, passer par un fast-food, manger rapidement ces sandwich ronds avec les doigts et jeter nonchalamment les emballages à la poubelle avant de passer à autre chose. Quant à vous, les extrémistes, si vous voulez vous rendre utiles, partez plutôt en guerre contre ces décideurs de demain, ceux qui vont nous infliger leurs OGM à coups de milliards et de parts de marché et tenter de tuer notre libre arbitre pour ne nous faire consommer que leurs produits, au lieu de saccager des MacDo en espérant y trouver une médiatisation que les gens libres et réfléchis trouveront complètement ridicule.
MP3, Napster et Moi... et Nous (11/11/2000)
"C'est un joli coup que viennent de signer l'ennemi public numéro un des éditeurs de musique et la multinationale des médias allemande". En effet, comme l'annonce si clairement cette information signé Libération Multimédia (un canard online que je ne saurais que trop vous conseiller car nettement plus convaincant que son homologue papier), la société Napster, ayant développé le logiciel du même nom, vient de signer un accord avec Bertelsmann, un des 4 géants mondiaux de la diffusion musicale. En vue de quoi ? Bien évidemment, comme dans tout accord commercial, l'objectif est double. Enfin individuel, quoi. Napster cherche à s'empêcher de sombrer sous la déferlante des plaintes des dragons de l'édition que sont EMI, Universal, Sony et Bertelsmann. Ce dernier, lui, est le premier des quatre à vraiment s'engager dans la voie de la musique online légale et permettra à Napster, aux termes du contrat, de présenter l'intégralité de son catalogue aux abonnés. Ne surtout pas se demander comment on va faire la différence entre un fichier téléchargé légalement et ce même fichier copier un nombre indéfini de fois, mais beaucoup moins légalement. Quelque chose me dit que la base installée de 30 millions d'utilisateurs régulier du logiciel ne tardera pas à fondre comme neige au soleil, surtout quand on regarde le nombre déjà impressionnant de clones divers et variés, dont certains en licence GNU (licence publique donc pas raisonnablement attaquables en justice)...
Et alors ? Le Celeri va-t-il aujourd'hui se livrer à un exercice journalistique sur un sujet déjà largement relaté un peu partout ? Nenni, j'en arrive justement aux questions que je trouve importantes à ce sujet et alentour. Avec, en premier lieu, la question du comment. Comme vous le savez sûrement, Napster est un logiciel de type peer-to-peer (usager-à-usager), où le serveur central n'est requis que pour une tâche simple : répertorier les utilisateurs connectés et, lors d'une ouverture de communication entre deux membres, aiguiller (les réseauphiles appellent ça "router") les premières informations (ces même réseauphiles appellent ça "le paquet d'appel"). Le reste de l'échange s'effectue directement d'IP à IP, sans passer par le serveur. Et c'est là que le casse-tête se trouve pour les sociétés qui aimeraient bien assassiner le vilain petit canard Napster : comment accuser le serveur de méfait lorsqu'il ne fait qu'indiquer une direction à prendre aux données, sans même savoir ce qu'elles contiennent ? Ca serait la même chose qu'accuser un agent de police qui dirigerait un brigand incognito vers l'appartement d'une autre personne...
Ca, c'est la perception technique de la chose. Mais que nous dit une vision plus "spirituelle" de la chose ? Les auteurs de Napster (et surtout leurs avocats) insistent sur le fait qu'ils ont créé ce logiciel pour favoriser la renommée d'artistes indépendants ou que les maisons d'édition classiques ont refusé de prendre en compte... Mais peuvent-ils pour autant jurer qu'ils n'ont jamais pensé à la libre diffusion de fichiers protégés (cf. lois de copyrights, propriété intellectuelle et compagnie) ? Personnellement, à leur place, j'aurais bien du mal à lever la main droite... Surtout quand on regarde comment est conçu le logiciel au départ : recherche par titre et par auteur sont les deux critères principaux... arrivent ensuite de timides "date" et "genre", de simples critères secondaires n'apparaissant pas par défaut. De là à voir dans cette interface une invitation à l'échange de fichiers plombés, il n'y a qu'un pas que les avocats de l'accusation se sont dépéchés de franchir. Et on les comprend un peu. Si on observe le phénomène Napster tel qu'il est devenu, on arrive assez facilement à un constat assez peu réjouissant pour les médias physiques : ventes globalement en baisse significative. Mais doit-on blâmer ce logiciel exclusivement ?
Assurément non, et certains auteurs de musique l'ont bien compris : la "pensée" Napster allant exactement à l'encontre de la politique des éditeurs (un CD prisé est vendu plus cher que les autres alors qu'un fichier MP3 célèbre se trouve plus facilement que les autres), elle tend à faire apparaître le constat suivant comme une évidence : les éditeurs ne font que récolter ce qu'ils ont semé. Il est bien évidemment que l'artiste doit être rémunéré pour son oeuvre (s'il arrive à la vendre), mais la part du lion que les presseurs se sont octroyés jusqu'ici a démarré la gestation d'un ressentiment populaire qui a vu par Napster une occasion inespérer de presser sa naissance : les gens ne trouvent pas normal de dépenser 120 Francs pour une galette de 12 grammes et 3 feuilles de papier. Entre taxes, royalties et droits divers, les CD font office de victimes face à l'équation chaotique MP3 + Napster - prix. De leur côté, bon nombre d'auteurs n'arrangent pas le choses en ne proposant bien (trop) souvent qu'un seul, voire deux, titres intéressant par album (aujourd'hui len single est le trampoline de l'album, alors qu'avant c'était l'inverse), ce qui donne aux gens l'impression de payer plus de 100 Francs pour un seul titre. Comme dit une expression populaire, ici volonairement retirée de son contexte pour faire plus incisif, "ça fait cher le kilo de merde".
Au final, à qui la faute ? A tous. A vous, à moi, à eux. Vous et moi qui n'aimons pas payer, les auteurs qui ne se foulent pas et les éditeurs qui ont toujours négligé de privilégier l'oeuvre par rapport à sa valeur marchande. En réalité, les développeurs du logiciel Napster n'ont fait qu'attiser une envie que nous avons tous : profiter des choses sans les payer. Il n'ont pas fait plus que le gamin qui apporterait le bâton à un autre gamin qui aurait envie de taper sur ses parents. En conséquence, ils ne sont certes pas blancs comme neige, mais pas plus coupables que vous et moi. Quant aux éditeurs, eh bien eux là c'est plus nuancé... à voir les courbettes qu'ils font aux "petits jeunes qui en veulent" et comment ils les jettent comme des torchons usagés après un album qui "n'a pas atteint le niveau de ventes satisfaisant" tout en vendant d'autres disques à des prix assez rédhibitoires, on en revient à penser qu'ils n'ont que ce qu'ils méritent. Ca n'est certes pas la meilleure façon de voir les choses, mais qui niera que la perte de moyens n'entraîne pas la perte de raison ?
Après cet exposé aussi poignant que subjectif, je me permets de vous faire part de quelques trouvailles fort... euh... pittoresques dans les interprétations des lois sur la propriété intellectuelle. Le format de compression MP3, développé aux fins fort louables que sont la réduction des espaces de stockages et des temps de transmissions, constituerait, selon certains pseudo-experts en la matière, une transformation et non une copie. Et comme la loi n'autorise que les copies sans transformation... Seulement voilà : je serais curieux d'entendre leurs arguments. Aujourd'hui, la qualité dite "standard" de compression est quasi-conforme à l'originale non compressée et je pense que beaucoup de ces individus confondraient allégrement les deux versions d'une musique. La vérité est éclatante : en affirmant qu'il s'agit là d'une transformation, on essaye de contrecarrer les effets secondaires de l'autorisation des copies à titre personnel. En effet, ces dernières ont bien souvent tendance à devenir moins... personnelles que prévu. Pour clore ce sujet, je citerais quelques exemples de médias plus ou moins connus : la cassette audio, la cassette VHS, le MiniDisc, enfin tous les supports analogiques et/ou avec compression, quoi... Prenons l'exemple d'une cassette VHS. Pour peu que vous receviez le satellite ou le câble chez vous et que vous enregistriez une émission par leur biais sur votre magnétoscope, vous voilà hors-la-loi ! Comment ça, à l'insu de votre plein gré ? Vous ne saviez pas que la dé-numérisation d'un signal et/ou sa compression sont des transformations ? Eh bien vous l'apprendrez en payant une gentille amende ! Un bon exemple de support numérique avec compression est le MiniDisc : la compression ATRAC, permettant de faire tenir le contenu d'un CD dans un petit disque de poche, est techniquement très proche de la compression MP3. Et pourtant, elle n'a jamais été blâmée d'une quelconque façon. Théoriquement, la loi exigerait que vous demandiez à l'auteur de la musique s'il vous autoriserait à compresser celle-ci et la stocker sur votre disque dur (en gardant l'original à portée de main, bien entendu)... restons sérieux une minute.
Enfin, saviez-vous que les compilations personnelles sont elles aussi interdites sans l'accord de chaque auteur représenté dans celles-ci ? Le même genre d'interprétation que précédemment fait arriver à la conclusion que la possibilité pour un auteur de voir figurer son oeuvre à côté de celles d'autres auteurs relève de son droit moral... Et du coup, on interdit aussi de stocker des pages de livres de recettes dans un classeur, d'enregistrer une série de clips à la télévision ou de faire des montages de photos découpées dans les magaines...
La réalité qui n'échappe à l'observateur aguerri des comportement rapiats est, je pense, la suivante : la polémique qui sévit autour de Napster n'a pas pour origine le penchant hors-la-loi de quelques développeurs malintentionnés ou de pirates refusant de payer la musique qu'ils aiment, mais tout un ensemble de circonstances, tout un contexte que notre société de consommation a engendré sans même se surveiller. Et à force de tirer la couverture chacun de son côté, elle finit par se déchirer ou par tomber par terre. En l'occurence, c'est tous les principes et les lois autour de la propriété intellectuelle qui sont aujourd'hui à revoir. Et les tentatives intéressées des grands éditeurs de grapiller le maigre butin online ne fera, au mieux, que retarder cette nécessité de quelques mois.
Loi sur la Surveillance Quotidienne (20/10/2001)
Après ce qui s'est passé le 11 septembre dernier aux USA, on peut comprendre l'affolement des divers gouvernements occidentaux vis-à-vis des techniques permettant d'échafauder de tels attentats. Cela dit, on pouvait aussi espérer que la France, qui n'a, elle, pas subi de telles frappes, ferait preuve d'un peu moins de précipitation et d'un peu plus de discernement que les Etats Unis... Eh bien, on constate tristement qu'il n'en est rien.
Sans doute savez-vous déjà que le Sénat français a adopté, dans la nuit du 17 au 18 octobre, les amendements "contre le cybercrime" inclus dans le projet de loi pour la sécurité quotidienne. Ils devront encore être validés par l'Assemblée nationale le 31 octobre prochain.
Les points essentiels de la "Loi sur la Sécurité Quotidienne" (LSQ) concernent bien évidemment l'internet et le comportement des gens qui font de lui ce qu'il est. En tête, l'obligation des fournisseurs d'accès et des hébergeur de garder les données relatives à leurs clients pendant au moins 1 an... Alors même que la CNIL n'en demandait que 3 mois ! En plus de fourrer les FAI dans des ennuis techniques sérieux (12 mois de données d'accès, c'est vraiment gigantesque), le flou plane au niveau du type des données visées : leur définition à été renvoyé à un décret. On peut d'ores et déjà tabler sur un pouvoir de surveillance quasiment illimité des données "non privées", comme le détail des fichiers publiés sur le web via FTP. Concernant les données privées comme le contenu de vos e-mails et le sites que vous fréquentez (votre FAI a parfaitement connaissance de tout cela), on n'a plus qu'à espérer. En résumé, la caméra qui se braque sur vous quand vous sortez de votre domicile est déjà une réalité, reste à savoir s'il y en aura une aussi dans votre maison. Et tout ça au nom de la "lutte anti-terroriste", bien sûr.
Le deuxième point-clé est la cryptographie. Encore interdite en France jusqu'en 1996, elle revient sur le devant de la scène par le biais d'un amendement ajouté dans l'urgence au décret de la LSQ, alors que même le Ministère de l'intérieur ne l'avait pas mentionnée. Lequel stipule, en gros, que tout possesseur d'un document crypté doit obligatoire fournir la clé ou la mettre en oeuvre lui-même si le document en question est suspecté d'avoir rapport avec un délit quelconque. Et qu'advient-il des documents cryptés qui pourraient vous parvenir par erreur ou par malveillance ? Vous pouvez toujours les éliminer de votre disque dur, votre FAI saura le retrouver... Et comme vous ne disposerez pas de la clé, vous risquerez 3 ans de prison et 45 000 F d'amende.
Sachez également que la LSQ transforme, tout comme l'a fait le Fisc il y a déjà bien longtemps, la présomption d'innoncence en présomption de culpabilité. Parce que tout homme est de toute évidence potentiellement un terroriste sanguinaire, il suffira que quelqu'un laisse entendre à la police que vous êtes complice d'une activité terroriste pour qu'ils aient le droit d'entrer chez vous et d'y perquisitionner autant qu'ils le voudront ainsi que de saisir tout ce qui pourrait siéger à leur enquête, conformément à l'article 76-1. Et si par malheur ce quelqu'un s'est arrangé pour vous faire parvenir (anonymement, bien sûr, ça reste très faisable en utilisant par exemple un cyber-café) un fichier crypté, vous aurez du souci à vous faire. Car ce n'est pas à la justice de démontrer votre culpabilité, mais bel et bien à vous de pouver votre innoncence ! Le fichier peut ensuite être envoyé aux "casseurs de code" militaires et, s'il s'avère qu'il y a une quelconque référence à une activité terroriste, vous ne pouvez plus rien faire pour vous défendre, puisque "les décisions judiciaires prises en application du présent chapitre ne sont susceptibles d'aucun recours".
La section information de Yahoo pointe un fait tout aussi perturbant : "Et si, dans sa grande mansuétude, le juge vous tient quitte de tout méfait, n'espérez pas pouvoir travailler dans un aéroport, une centrale nucléaire, une société de gardiennage ou quelque autre emploi relevant peu ou prou d'une mission "touchant à la sécurité des personnes et des biens". Le gouvernement a en effet décidé de vérifier "l'honorabilité" et la "moralité" de ceux à qui seront confiées de telles missions : l'article 17-1 de la LSQ exige en effet que des agents de la police ou de la gendarmerie vérifie, avant que de confier de telles missions, le fichier STIC du postulant. Ce "Système de Traitement des Infractions Constatées", entretenu par les diverses forces de l'ordre, en toute illégalité, depuis 1995, mais discrètement légalisé cet été, avait valu un Big Brother Awards au ministère de l'Intérieur l'an passé. Listant crimes, délits et contraventions de toutes sortes (ainsi que les affaires dont vous avez été témoin, et même victime), il n'est pas mis à jour lorsque l'on est blanchi ou disculpé. Le doute restera donc entier, et vous serez black-listé à vie. Au nom de l'"anti-terrorisme"." Ca se passe de commentaires. Ou plutôt si, juste un exemple : prenez un pilote de ligne qui serait un jour témoin dans une affaire du genre : le voilà dès lors incapable de piloter ou de même donner des leçons pilotage. Que va-t-il pouvoir faire de sa vie ?
Plusieurs associations dont IRIS (Imaginons un Réseau Internet Solidaire) n'ont pas hésité, avec l'appui de multiples juristes et journalistes, à qualifier ces mesures d'anticonstitutionnelles et liberticides. Et pour cause : à des textes déjà largement controversés ont été ajoutés dans la précipitation (certains la veille même de la deuxième lecture par le Sénat !) et sans aucun débat des articles ayant attrait aux libertés fondamentales et à la vie privée. "Le rapporteur de la commission a souligné que ces amendements étaient déposés à un stade de la procédure législative où l'adoption de dispositions nouvelles est en principe interdite", note la commission des lois du Sénat dans un communiqué daté du 10 octobre. "Il a néanmoins estimé que la gravité de la situation actuelle et la modification du contexte dans lequel se déroule la discussion du projet de loi justifiait le recours à des procédés exceptionnels", ajoute-t-elle. C'est presque trop facile : tout comme les grandes geules de la Nouvelle Economie qui profitent des attentats du 11 septembre et du "marasme économique" engendré pour justifier leur déconfiture qui date pourtant de bien avant, on peut se demander si la justice ne profite pas de la psychose terroriste pour se donner de nouveaux pouvoirs... pour ensuite vanter sa "solidarité" vis-à-vis des familles des victimes.
On savait déjà que le net évolue un peu trop vite au goût des législateurs, et ceci n'en est qu'une flamboyante démonstration supplémentaire. Bon nombre de juristes s'élevaient déjà contre le projet de loi, et je n'ose imaginer leur ébahissement devant un tel durcissement des idées de départ. Surtout quand on constate que ce durcissement s'est effectué dans l'urgence. D'accord, ce qui s'est passé aux States est alarmant. Mais que la panique s'installe, que les réactions se désordonnent et que les institutions se modifient en tout hâte, c'est ce que cherchent les terroristes. La bourse de Wall Street a essayé de faire passer un message important, celui de ne pas céder à la psychose et de soigneusement réfléchir avant d'agir. Le fait que les lois soient les seules à ne pas êtres au-dessous d'elles-mêmes ne suffit pas à excuser la trop grande hâte dans laquelle elles sont nées.
Croisons les doigts, l'examen final du texte aura lieu par l'Assemblée nationale aura lieu le 31 octobre prochain. Espérons qu'ils sauront faire preuve de ce que tout le monde peut attendre de la part du Pouvoir Législatif : la volonté d'ordre mais aussi du discernement.
Celeri