Mes Essais


Voici des machins que j'appelle bien pompeusement "essais" puisque ce sont des idées que j'ai plus ou moins essayé d'organiser tout en soignant l'écriture de ces idées. Je me permets de vous rappeller qu'un essai est un exercice strictement personnel et donc bien souvent très subjectif. Aussi, pas la peine de venir me dire que ce que je dis ne concerne que moi et que ce ne sont pas des analyses objectives, il s'agit ici d'une évidence. En revanche, je vous encourage absolument à me dire pourquoi j'aurais tort ou raison en suivant des analyses qui vous sont propres, qu'on se le dise.
Merci de votre compréhension.


L'Informatique (20/12/96)

Qu'est-ce que l'informatique ? Dans le sens technique du terme, c'est le fait de traiter l'information. Chaque événement, chaque fait, chaque élément informatif qui se voit traité de façon logique et organisée introduit la notion d'informatique.

Mais, me direz-vous, puisque notre cerveau, cette machine incroyable qui est encrée au plus profond de chacune de nos têtes, fait-elle aussi de l'informatique ? Techniquement, oui. Mais le terme d' "informatique", avec sa terminaison si spéciale qui évoque un acte autonome, paraît difficilement propre à être utilisé pour parler de notre cher encéphale. C'est comme le mot "automatique", ce n'est pas à proprement parler appliquable à l'être humain. Cependant, même si on est loin du cas du bourgeois gentillhomme qui fait de la prose sans le savoir, notre tête (ou du moins ce qu'elle contient) traite l'information qu'on lui donne.

Mais je ne vais pas ici disserter sur le fonctionnement du cerveau humain. C'est un luxe que je ne peux pas me permettre. Que celui qui connait ne serait-ce qu'un dixième de son fonctionnement exact me fasse signe. Aujourd'hui, je ne parle pas d'informatique au sens technique du terme. Je parle de l'informatique, des ordinateurs, quoi.

Premier constat, lorsqu'on se retrouve pour la première fois devant un ordinateur : rien. Une boîte plus ou moins grosse, avec en général une sorte de télé au-dessus. Une planche pleine de boutons marqués et un gadget genre cadeau bonux avec un fil et un (ou deux, voire trois) bouton qui repose sur son tapis à lui tout seul. Et c'est là, pendant qu'on est en train de se demander comment on fait pour regarder TF1 (ou canal plus, si on est le soir du premier mercredi du mois) sur cette télé-là qu'arrive un tiers personnage qui vient se flanquer devant ladite télé comme un chauffeur de taxi rentre en voiture après être allé aux toilettes.

Le croirez-vous, innocente victime d'un système capitaliste trop souvent occupé pour se charger d'expliquer les choses de la vie aux novices (parce que les ordinateurs font aujourd'hui partie de la vie au même titre que la TSF de nos grand-parents ou que la radio de nos parents), si ce squatter vous dit qu'il peut faire ce qu'il veut sur sa "fidèle bécane" ? Non, bien sûr. Qui aurait cru au premier abord qu'Einstein avait raison quand il disais que des petits trucs de quelques nanomètres pourraient faire plus de dégâts dans une ville que 5 "Grosses Bertha" et plus de dégâts dans les esprits qu'un discours propagandique à la manière d'un tyran extrémiste ?

C'est vrai, quoi, la lampe d'Alladin dans une boîte de métal aussi bizarre, ce n'est pas pour demain. On vous l'a dit et ressassé, les miracles, c'est des histoires qu'on invente pour se faire remarquer. Mais, alors que vous vous rappelez ces bons vieux principes parentaux, vous voyez votre voisin commencer à faire... des trucs. Il n'y a pas de mot pour décrire ça : il fait... n'importe quoi. Et facilement en plus. Se succèdent les belles fenêtres remplies de jolis petits dessins au rendu d'image de synthèse (du même genre que celle que vous voyez au cinéma mais que vous ne comprenez pas comment on arrive à faire ça) en passant par les animations vidéo les plus interactives. Et lorsqu'il dégaine sa panoplie de jeux, alors là, vous en tombez sur le derrière. Vous avez bien déjà vu dans un bar une énième refonte de "Space Invaders" mais là... Les mots vous manquent.

Inutile de vous dire que quand vous rentrez chez vous, vous ne vous sentez pas très bien dans votre tête ni dans votre maison. Comment, vous n'avez pas encore d'ordinateur ? Tout d'un coup vous vous rendez compte qu'il vous en a toujours manqué un. Vous sautez alors sur vos catalogues pour voir ce que vous pouvez vous procurer, histoire de faire comme votre copain. Une semaine de plus dans la poche du Temps, et quelques milliers de francs en moins dans la vôtre, un gros carton gît dans votre salon. Enfin ! A vous les beaux jeux, les supers-trucs pour épater les copains !

Vous ouvrez le carton : d'abord vous tombez sur un joyeux papier sur lequel est écrit (en tout petit, comme si on voulait que vous ne le lisiez pas) des tas de mots administratifs semblant former des phrases. Barbares, les phrases, je vous l'accorde : "Nous déclinons toute responsabilité quant à l'éventuel endomagement du matériel susdit à partir du moment ou sceau ci-joint est brisé sur volonté expressément et unanimement reconnue par le client, etc.". Bof, ça doit être de la paperasse pour faire joli.

Hop, vous sortez tout votre matériel. Premier constat : encore heureux qu'ils donnent des instructions d'installation (mais pourquoi diable sont-elles en anglais ?). Quelques hop plus tard, la machine est branchée. Ok, c'est ici qu'on allume. Et là, après un accueil sonore digne de la cinquième symphonie de la troisième sonate du bolero de Ravel, enfin vous êtes entré dans le cyber-monde. Mais vous vous apercevez vite... que vous n'y comprenez rien. Le copain vous semble être une source de savoir sur laquelle il va falloir compter, mais au fond de vous, vous sentez comme une espèce de douleur.Oui oui, de la frustration.

Car, vous l'aurez compris après cette longue anecdote, l'informatique, c'est autre chose que la collection de timbres ou que les dimanches soirs-pantoufles-football. Certains disent que c'est un art. Sans aller jusque là, il est vrai que c'est une certaine orientation de l'esprit. Et lorsque vous aurez vécu cette première (et sans doute dernière) frustration, plus jamais vous ne verrez d'un bon oeil ceux qui tapent sur des claviers. C'est fini, les ordis c'est des trucs incompréhensibles, des trucs de pros. En tout cas, c'est pas pour vous.

C'est contre ces préjugés que je m'élève. Certes certains cas de mordus d'informatique sont devenus fous, mais ce n'est pas une raison pour casser l'image du passionné en informatique. Qu'on vienne me dire que l'informatique n'a pas le droit d'être une passion, au même titre que ces groupes de musique "contemporaine" (tout recul gardé) pour les jeunes d'aujourd'hui ou que tel ou tel sport pour monsieur Tartempion.

A vos yeux, j'ai peut-être l'air de protester contre quelque chose de faux, mais lequel d'entre vous ne s'est jamais marré en écoutant une conversation entre deux intéressés par l'informatique ? Cherchez bien, vous verrez. Que celui qui n'a jamais dit ou pensé que les ordinateurs rendaient fou me jette la première pierre. Mais qu'on m'explique d'où viennent ces préjugés portant atteinte à l'idée que l'on se fait quant à l'intégrité de la cervelle du passionné des ordinateurs. Qu'on m'explique seulement sur quoi ces préjugés sont fondés.

L'informatique vous fait peur, d'accord. Mais les gens qui s'y intéressent sont loin d'être des barbares. Certains sont trop hautains pour être accessibles, certes, mais la plupart d'entre eux sont des gens de bien, au même titre que les stars de cinéma ou de musique qui, en privé, sont souvent les plus sympathiques des personnes. L'informatique peut être une passion, respectons-là en tant que telle.


L'Education (24/12/96)

Qu'est-ce que l'éducation ? Là vous allez vous précipiter pour me répondre : c'est le fait de construire un être humain en lui inculquant des connaissances et un mode de vie. Eh bien moi, je ne dis pas que c'est faux mais incomplet. C'est en effet le fait de construire un être humain mais CIVILISE. Parce que, nous le savons tous, chaque civilisation fait marcher différemment son système éducatif. J'entends civilisation par groupes de pays qui suivent le même mode de vie ; en gros, les continents. Allez en Asie, et vous verrez que les jeunes instruits (bien loin de représenter la grande majorité de la population de leur âge, hélas) n'ont pas subi du tout la même éducation. Quant à l'Afrique, vu le peu de gens "civilisés" qui s'y trouvent ou du moins, comme me l'a récemment précisé un copain, le peu de gens éduqués qu' "on" a fait en sorte de conserver en ce continent, on préfèrera la garder à part pour l'instant.

Pendant que nous, en Europe, on nous apprend comment faire parler les nombres, comment les faire résoudre des problèmes toujours plus compliqués et pourquoi Napoléon est allé faire la gueguerre aux orientaux, eux ils apprennent comment rouler du papier pour faire des parapluies pour les petits riches de l'ouest et de l'est ou, plus grave, pour rouler des cigarettes gonflées d'on -ne-sait quel énième dérivé de telle ou telle drogue. Plus récemment, on s'est mis à leur apprendre la soudure et les circuits imprimés.

Comme ça, et c'est sans doute comment "certains" voient les choses, c'est vrai qu'on a les cervaux d'un côté et les mains de l'autre. Et c'est contre ces pratiques que je m'élèverai aujourd'hui, comme tant d'autres l'ont déjà fait.

Nous, français, nous ne nous rendons que très rarement compte de la chance que nous avons : nos ingénieurs sont pratiquement les meilleurs au monde, nos métiers artistiques et de mode sont appréciés partout et Paris est presque la capitale du savoir-vivre. Je vous le demande : à quoi cela est dû ? A notre système éducatif. On le saura, s'il est si dur de faire de bonnes études en France, c'est parce qu'à la sortie de celles-ci, on a de quoi bien travailler. Et pour cause : nous savons tous aussi que la France est un des pays qui mise le plus sur l'éducation. Bref, nous sommes é-du-qués.

Aux States, en Europe, et en Australie, c'est un peu la même chose, avec des degrés de compétence différents. Globalement, une très grande partie des hommes de cet univers de chançards euro-américains deviennent des gens civilisés, bien dociles, et bien manipulables par les systèmes qui vont pouvoir exercer toute leur pression sur eux dès qu'ils sortent du bouclier éducatif.

Voilà pour la formation des "cervaux". Passons à la formation des "mains". Tous ces pays (ou presque) dont nous voyons les noms inscrits sur nos achats, des écrans de télé jusqu'aux ampoules en passant par les petits jouets de nos chers bambins, ce sont des pays où visiblement l'éducation a une autre place dans les dictionnaires. Ici, l'éducation, c'est apprendre à une très faible quantité d'élite comment aller faire fortune dans les pays riches et apprendre aux autres comment survivre. Quel petit enfant de 12 ans américain ou européen accepterait de fabriquer des babioles (supposez que l'enfant sait le faire, bien sûr) aussi petites qu'inutiles pendant une journée entière (comprenez au moins 18 heures) avec à la clé un pain au chocolat ? Si vous en trouvez un, faites-moi signe.

Maintenant imaginez qu'on le force carrément à le faire. Comment réagirez-vous, sinon par "pauvre enfant martyrisé" et crier au scandale ? Voilà des dixaines d'années que ce même scandale - en plus grand car les petits travailleurs asiatiques sont très nombreux - continue, ne souciant plus de rien. Et nous, trop contents de pouvoir remplacer notre vieille télé pour pas cher, nous ne faisons rien pour empêcher le massacre.

Il semble que je m'écarte légèrement du titre de cet essai. Mais tout cela est pour vous montrer que l'éducation est loin d'être une chose à prendre à la légère. Ce que nous avons hélas trop longtemps fait et que nous continuons à faire. Pour preuve, voyez comment se propagent les maladies comme le sida dans les pays où les gens ne savent même pas lire. On ne s'éduque pas soi-même, ou en tout cas pas au début, alors pourquoi en laisser certains en rade ? L'éducation est un droit, pas un pivilège. Mais pour arriver à tirer parti de ce fait, il faudrait que tous les humains commencent par être d'accord là-dessus.


Le Temps (12/01/97)

Qu'est-ce que le Temps ? Alors là, il faut bien admettre que celui qui arrivera à le définir exhaustivement n'est pas encore né. Cette spirale qui nous porte éternellement et qui parfois semble inexorablement nous forcer à prendre le chemin qu'elle a choisi. On l'appelle à ce moment-là le Destin. D'autres fois, le temps peut-être tour à tour un fantasme, quelque chose qui contrôle tout (comme un dieu, nous le verrons plus loin) ou pour d'autres encore de l'argent.

La plus grande question demeure entière : le Temps est-il une notion ou une dimension ? Autrement dit, pourrait-on voyager dans ce temps, cette quatrième dimension, comme dans les 3 autres (que l'on assimile à longueur-largeur-hauteur) ? Maints et maints écrits dissertent sur ce sujet, et pourtant tous sont relégués au rang de la science-fiction. Que devons-nous penser du temps, nous petits terriens qui ne connaissons pratiquement rien de ce que les nobéliens et autres scientifiques appellent la Physique ?

Nous avons tous déjà entendu parler de la possibilité de voir des images du passé en tournant autour de la terre à la vitesse de la lumière. Je dis bon courage à ceux qui pensent arriver à tromper le temps de cette façon. En effet, pour qu'un corps puisse potentiellement voyager à une telle vitesse (qu'on arrondit à quelque 300 000 km/h), on démontre qu'il faut que ledit corps ait une masse nulle ou une énergie infinie. Dites-vous tout de suite qu'un corps dont l'énergie est infinie n'est pas trouvable en cet univers. La Pratique, contrairement à la Théorie, dit que l'énergie d'un corps est toujours finie. Et pour cause, l'infini est une grandeur abstraite et rien dans notre univers n'est abstrait, sauf la pensée. Cette possibilité écartée, il nous reste celle de la masse nulle d'un corps. A ce jour, les seuls éléments capables d'une telle performance sont les photons. Autrement dit la lumière. Après tout, c'est bien la vitesse de la lumière qu'on cherche à atteindre et les photons qui composent celle-ci ont une masse nulle. Non pas négligeable, mais nulle, pour la bonne et simple raison que ce ne sont que des ondes.

Mais alors, me demanderez-vous, il n'est pas possible de voyager dans le temps ? Par le biais de la logique, non, je vous l'accorde. On dit, ou plutôt les physiciens disent que pour revenir une seconde dans le passé, il faudrait arriver à recréer toute l'énergie qui s'est dégagée dans l'univers pendant cette seconde, soit un chiffre entre 1 et 9 précédé d'un nombre incroyable de ces mêmes chiffres de joules. Mais, au-delà de la vérification pratique, il a un jour été proposé qu'en réunissant côte à côte les extrémités d'un trou noir (qu'on schématise par un tuyau avec un entonnoir à chaque extrémité), et moyennant une grande force de propulsion, il serait possible, en entrant dans le trou noir, de passer d'une extrémité à l'autre sans passer par le tuyau. On irait alors plus vite que les autres éléments entrant dans le trou noir et donc aurions gagné du temps. Mais du temps par rapport à quoi ? Là, on a du mal a répondre.

Tout cela pour vous dire que le temps est loin d'être une grandeur physique maîtrisée. C'est pourquoi elle a donné naissance à tant de fantasmes chez les humains, ces créatures qui ont horreur de ne pas comprendre ce qui les entoure. Certains se sont imaginés les possibilités envisageables d'un retour dans le passé ou d'un bond dans le futur. Mais, à mon avis, mieux vaut ne pas trop fantasmer sur le Temps. On dit souvent "Ah si je pouvais revenir en arrière", mais il faut bien considérer les conséquences qu'aurait un tel retour : nous pourrions tous corriger nos erreurs, et ce serait une incroyable régression dans l'esprit humain qui bien souvent se sert des conséquence entraînées par ses erreurs pour progresser. En annulant ces erreurs, l'évolution ne se fait plus que d'après une supposition (on dirait alors "imagine ce qui se serait passé si j'avais fait ça au lieu de ça" alors que la faute AVAIT été commise mais ensuite annulée, et non corrigée). De plus, imaginez ce qui se passerait si tout individu était capable de changer des événements passés. Le fil des événements se modifierait sans crier gare, y compris les changements que nous avions peut-être déjà opérés...

Un fantasme plus récent sur le temps est celui de voir celui-ci comme une force occulte, une force au-dessus de l'homme. J'ai lu un jour une nouvelle qui racontait en substance les idées suivantes. Imaginons un monde en deux dimensions : longueur et largeur longueur et hauteur. Une maison dans une telle dimension serait toute plate aux yeux de quelqu'un se situant dans un univers en trois dimensions. De même pour un individu se trouvant dans cette maison, il serait tout plat et, si le quadrilatère représenté par la maison est fermé, celui-ci ne peut pas en sortir. Entre alors en scène notre observateur tri-dimensionnel : d'une pincée de ses doigts, il peut saisir le bi-dimensionnel enfermé en sa maison et le faire sortir de celle-ci en passant au-dessus. Le personnage en 2-D n'a alors qu'une envie, c'est celle de considérer son souveur tri-dimentionnel comme un dieu, quelqu'un qui a une puissance que les autres n'ont pas... Et si l'entité que nous appelons "Dieu" (ou Allah ou je ne sais quoi encore, c'est selon notre religion) était un individu capable de maîtriser la quatrième dimension, à savoir le Temps ?

Comme nous venons de le voir, éternel semble vouloir rester le mystère du Temps. En attendant d'en savoir plus, essayons de ne pas nous torturer l'esprit sur ce qu'IL fait. Nous n'y pouvons rien et dire "Si j'avais su" ne sert à rien. A force de vouloir tout avoir fait, on finit facilement par se dégoûter de la vie, alors qu'elle offre tout de même des consolations indéniables, comme l'expérience que nous tirons de nos erreurs.


L'Amour (18/01/97)

Qu'est-ce que l'amour ? Réfléchissons avant de répondre. Partons du plus simple pour en arriver au plus important. L'ennui, c'est que rien n'est simple avec ce mot. Donnez votre définition propre et je vous met au défi de trouver quelqu'un qui pense exactement pareil. Certains, en effet, disent que c'est un sentiment, d'autres une illusion, d'autres une justification, d'autres encore voient l'amour comme un sentiment bassement humain qui n'est autre qu'une nouvelle preuve de la méchanceté du Temps et de son fidèle allié, le Destin. Nous ne verrons ici que l'amour comme sentiment unissant deux êtres de genre opposé. En effet, les autres types d'amour comme l'amour maternel ou l'amour dans le sens philanthrope du terme sont des sujets trop vastes pour êtres traité ici, dans le même essai.

Remontons à l'origine de l'homme pour bien comprendre ce que je dis là. L'homme est, à la base du moins, un animal. Evolué, mais un animal quand même. Or, nous savons tous que le but de tout être vivant (animal ou végétal) est de survivre et se reproduire. Ce sont les deux objectifs principaux. Attardons-nous surtout sur le deuxième objectif : se reproduire. Tout le monde sait ce que c'est que la reproduction : c'est le fait de mettre au monde un individu unique au sein de son espèce, capable à son tour de survivre et se reproduire. Comme cet objectif est absolument indispensable pour permettre la survie et l'évolution de l'espèce, la nature a eu l'idée géniale d'en faire un mécanisme réflexe pour les animaux (la reproduction est pour eux un acte involontaire, comprenons instinctif) et une chose agréable pour l'homme (qui niera que l'acte de reproduction n'est pas, pour nous petits humains, source d'une satisfaction sensitive et purement corporelle ?). Seulement, évidemment, au fur et à mesure que l'homme a évolué, ce concept de plaisir pour se reproduire s'est peu à peu estompé : des sentiments dus à la complexité de notre cerveau ont commencé à justifier et augmenter ce fameux plaisir.

En fait, le sentiment d'amour est l'embelissement involontaire d'un sentiment primitif. Pourquoi primitif ? Parce que, en regardant bien, quel est l'objectif final - même s'il nous échappe - d'une réunion amoureuse ? La réunion de deux individus mâle et femelle pour créer (sauf quand on fait en sorte que ça n'arrive pas) un nouvel individu au sein de son espèce, d'où perpétuité de l'espèce. Nous y revoilà.

Maintenant, d'où vient ce sentiment qu'on appelle "Amour" ? N'importe quel psychiatre vous le dira, tous nos idéaux, tous nos rêves et désirs les plus profonds ainsi que nos inhibitions proviennent de notre enfance, plus précisément de nos premières années d'existence. Tout ce à quoi nous assistons à cet âge-là crée des séquelles invisibles mais éternelles appellées subconscient. Et c'est ce subconscient qui nous pousse à apprécier certaines choses ou non. L'exemple typique est l'expression bien connue de "coup de foudre". Pour avoir comme conséquence une telle adimation immédiate pour l'objet aperçu, le cerveau ne fait appel qu'à notre subconscient, car ce dernier contient tous les critères d'appréciation qui nous sont propres. Ainsi, face à un être qui cumule un certain nombre de ces critères, notre cerveau ne peut que nous conduire à éprouver une admiration béate devant l'objet considéré. Et c'est à ce point qu'on rejoint le concept de sentiment primitif, ou du moins instinctif : le subconscient prend le relais sur le cerveau, remplaçant dès lors une machine à raisonner par une machine à faire faire au corps ce que bon lui semble.

Les conséquences sont multiples : incapacité à aligner deux mots cohérents ou deux pas, réactions alléatoires, excitation incontrôlable pour ne citer qu'elles. En général, l'incohérence du comportement est proportionnelle au degré d'appreciation qu'on éprouve. Mais ceci n'est valable qu'en observant un seul individu à la fois. En effet, le comportement en telle occurence varie d'une personne à l'autre. Il y a ceux à qui ça arrivent toujours (ceux-là sont appelés "les timides"), ceux à qui ça arrive occasionnellent (on les appelle "les normaux") et ceux à qui ça n'arrive pas du tout (on les appelle alors "les dons juan").

Mais on observe que le degré d'incohérence du comportement de l'individu témoigne souvent de la sincérité de ses sentiments : qui niera que ce sont pratiquement toujours ceux qui "collectionnent" les aventures sentimentales qui sont les moins timides et que les "novices" en la matière sont pratiquement toujours les plus réservés ? C'est un peu comme si la variété de l'expérience de l'individu diminuait la timidité autant que la véracité du sentiment. Evidemment, ceci ne peut être considéré comme une loi universelle, mais il est intéressant de faire ce genre d'observation.

Mais là, on s'écarte un peu du sujet. Qui est-il donc, ce sentiment qui surplombe l'homme ? Comme nous le savons tous, l'Amour est un de ces événements que personne ne peut se vanter de diriger consciemment et volontairement. En effet, il est illusoire de se forcer à éprouver ce que l'on veut pour telle ou telle personne. On ne peut pas se dire "A partir de maintenant, elle je vais l'aimer et lui je vais le détester", et ce tout simplement parce que notre subconscient est une sorte de mémoire figée, irremplaçable et très difficilement percevable. Notre subconcient est dirigée par la partie la moins logique de notre cerveau. Ainsi, on peut avoir tout à fait raison en voulant éprouver tel ou tel sentiment à l'égard de quelqu'un, mais si le subconscient le refuse, il est inutile de se torturer l'esprit pour arriver à ses fins. Autrefois, l'amour était (comme toutes les autres choses que l'homme ne contrôlait pas, d'ailleurs) considéré comme le résultat d'un acte divin. C'est dire si ce sujet, par son côté aléatoire, a depuis longtemps interrogé l'humanité.

Que penser de ce sentiment, en définitive ? Je n'ai certes pas parlé de l'instict primitif qui se cache derrière le sentiment pour vous en dégoûter, ou pour que vous le voyez d'un oeil critique. Bien au contraire, ce sentiment, surtout à notre époque où il tend à sombrer aux oubliettes de nos coeurs créées par des esprits un peu trop "orientés sens", des esprits pour lesquels l'important n'est pas la qualité mais la quantité, ce sentiment disais-je donc avant de m'embarquer sur l'apparente déchéance qui risque de toucher les générations futures dans l'orgueil qui est le notre d'être des humains qui pensent et qui ressentent des tas et des tas de choses, ce sentiment mérite le respect le plus sincère de notre part : il fait partie de notre vie et - surtout - de celle des enfants que nous mettons chaque jour au monde.

Oui, mon pote : je parle de tout le monde. Mais à une valeur potentielle.


La Complicité entre Industriels et Businessmen (29/01/97)

Une nouvelle tout ce qu'il y a de plus banale dans le cours des événements dans lesquels nous sommes (pour la plupart malgré nous) entraînés. Et pourtant ça claque fort pour ceux qui attendaient LE jour : pour la n puissance infini ième fois, la console de jeux vidéo dénommée chez ceux qui l'ont "N-XY" (les X et Y sont des chiffres) de chez cette société dont je ne donnerai pas le nom parce que j'ai peur qu'on puisse supposer un seul instant que je puisse dorénavant supporter plus longtemps leurs excentricités, cette console donc a une fois de plus vu sa date de sortie repoussée de plusieurs mois (du moins officiellement, ça peut encore aller plus loin, il ne suffit d'avoir que volonté et l'endurance pour narguer les gens comme ça). La date prévue était le premier mars de cette année 1997. Eh bien on nous a récemment largé : "la station jouable code-nommée "N-64" ne verra sa distribution officielle prendre place en ce continent qu'entre le premier mois de plein printemps et le mois de passage à l'hiver suivant". Et avec le sourire en plus ; on se demande comment ils font, ils doivent avoir un truc pour y arriver quand ils savent ce qui risque de leur tomber dessus. En français, ça donne : "la console que vous pensiez acheter, elle sera pas là avant septembre". Boum.

Je vais essayer de résumer les faits comme on rédige un article, mais si vous le désirez, l'histoire se trouve admirablement contée sur cette page. Remontons déjà loin en arrière, au moment où ladite console est sortie dans son pays d'origine, là où on croit que le soleil va à la fin de la journée. Ces chers petits japonais ont vu la console débarquer chez eux il y a maintenant pratiquement un an. Le Japon, vous savez ce que c'est : c'est le pays où on achète une console un jour, ensuite 2 jeux par journée et ensuite, on la revend, environ 3 semaines après l'avoir achetée. Toujours est-il que ça fait longtemps qu'ils l'ont, eux. Ensuite, ce sont les américains qui ont vu débarquer le bijou. Bien avant son arrivée, les petits enfants (je sais, c'est une oxymore) de ce pays convoitaient déjà la merveille qui a fait un tabac en orient de par le nombre d'unités vendues mais aussi par le nombre d'unités re-vendues. Et, comme nous le savons, au pays où les ice-creams poussent sur les arbres et où le base-ball est le plus bô de tous les sports, les enfants sont rois. A tel point d'ailleurs qu'il y en a tout plein qui ont voulu équiper leur foyer et leur télé de cette machine dont on parle tant.

Enfin, la voilà, enfin dans quelques jours. C'est, comme on s'en doutait et comme on s'en frottait déjà les mains, un succès avant même qu'elle ne soit sortie. Et voilà-t-il pas qu'enfin on se demande si on a fait les choses comme il faut : "est-ce que les stocks prévus vont suffire" lance un businessman plus soucieux que les autres. Aussitôt, comme tout réflexe instinctif de protection naturelle qui se respecte, on s'inquiète. Non, finalement, ça ne va pas suffire, et puis surtout, il faut être sûr de servir au mieux la plus belle société du monde. C'est alors qu'on lorgne du côté de ces consoles qui sont déjà parties vers le continent des conquistadors. La console doit sortir en même temps là-bas, mais après tout, ce sont les européens, les pays de l'espoir, non ? Ils sauront bien attendre : on rapatrie vite fait discrètement fait les stocks pour être sûrs de satisfaire la demande de cette population qui achète, vote et paye des taxes. Et c'est ainsi que la date de sortie de la machine en Europe est repoussée de septembre à mars.

Aux states, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, selon les évangiles des émissions de jeux vidéo toutes contentes de faire grimper leur audimat à coups de guignols qui sautillent partout et d'aliens monstrueux à zigouiller par tous les trous. Seulement voilà : on s'aperçoit bien vite que les gens font la queue jusqu'à 8 heures d'affilée pour avoir une de ces boîtes magiques et on se bat pour avoir le dernier jeu des rayons. Madame Irma, que faire ? C'est simple : on ne vous a pas trop reproché la première repoussée de date ? C'est donc que les gens croient à ces histoires d'optimisation technique et de problèmes de conversion oscillatoire pour passer de 50 à 60 Hz. Profitez-en ! Si tôt dit, sitôt fait, les stocks de mars se voient offrir un aller simple au-delà de l'océan Atlantique et zou, quelques milliers de petits américains tout contents de plus !

Et aujourd'hui, on nous balance au hasard de la confiance de la populace : "entre avril et septembre". C'est vrai que nous devrions être habitués, depuis le temps que nous passons toujours en troisième position, aussi bien pour les jeux vidéo que les films de cinéma ou l'informatique. Nous, pauvres petits européens qui avons perdu nous-même notre suprématie diplomatique il y a quelques dizaines d'années, nous sommes toujours les derniers à profiter de la technologie. Mais de là à favoriser de la sorte un continent plus qu'un autre, sous prétexte que celui-ci a plus d'argent et que l'autre peut attendre, il y a un plusieurs marches d'orgueil à franchir.

Ce n'est qu'un fait divers comme un autre, c'est vrai. Mais c'est celui-ci que j'utilise pour m'exprimer. Pourquoi ? Parce que je suis humain comme les autres et que j'aime les jeux vidéo et que j'aime pas qu'on se fiche de moi. Chers messieurs les hommes d'affaires, il faudrait tout de même vous rappeler que votre statut de preneurs de décision ne vous met pas à l'abris de tout soupçon ni de tout reproche, même si celui-ci met plus de temps à venir. Certes, sans vous nos pays courent à la ruine, mais vous n'êtes plus assez humains question respect pour vos semblables pour comprendre qu'avant de mettre le ver sur l'hameçon, il faudrait peut-être d'abord s'assurer de ne pas avoir envie de le reprendre pour nourrir son chien parce que celui-ci attrape plus de gibier que votre canne à pêche et votre patience réunies n'attrapent de poissons.


Le Bizutage (11/01/97)

Le bizutage, qui n'en a jamais entendu parler ? Cet espèce d'acte plus immoral encore que gratuit, cet acte de témoignage évident d'irrespect total et jemenfousiste-tant-que-je-rigole auquel se livrent les étudiants qui n'ont pas la maturité de se demander s'il vaut mieux s'amuser par soi-même qu'en emmerdant les autres (je n'ai pas pu trouver plus correct) et qui, de par leur statut, ont l'impression d'avoir atteint un stade mental supérieur à celui des autres, eh bien cet acte montre bien l'irrévérencieux aspect des pulsions juvéniles dont sont victimes l'écrasante majorité des êtres humains. Notez que la critique du bizutage que je formule dans cet essai ne s'adresse qu'à ces écoles qui pratiquent la violence ou l'humiliation, et non à celles qui, par le biais de ventes diverses, financent une soirée de fête pour les nouveaux écoliers, qu'on se le dise.

Déjà, aller s'entasser dans des boîtes de nuit mal famées et où l'on se fait écorcher vif sous prétexte d'un faux pas ou d'une poussière dans l'oculaire tombant au mauvais moment (comprenez un clin d'oeil mal placé), c'est quelque chose d'assez spécial, nécessitant une attention particulière. Mais cette pratique a cela d'avantageux que pendant l'office des bourreaux que sont les platines et les haut-parleurs, les seuls à en souffrir sont ceux qui sont assez fous eux-même pour s'avanturer en un tel endroit. Je dis "pendant l'office" parce que dès que celle-ci se termine, c'est dans la rue où le droit de liberté et de tranquilité s'applique à tout le monde qu'on retrouve ces bandes de boutonneux gorgés d'alcool jusqu'au duodénum cherchant plus inconsciemment qu'autre chose à s'éclater la gueule encore plus. Mais là encore subsiste un petit degré d'excuse : c'est l'humain qui a découvert l'alcool et ses bienfaits sur le subconscient, c'est à lui d'en subir les conséquences. De même pour ces regroupements de masses que sont les concerts d'aujourd'hui où les centaines de têtes en délire se serrent les unes les autres dans l'espoir de voir la star s'exciter rien qu'une seconde de plus que les autres, et où les convives flatteuses seraient prêtes à tuer les autres pour attraper ce que cette même star saoûlante vient de jeter au public. Là encore, l'homme a découvert que la gloire est une période de la vie bien agréable, à lui de se sentir responsable de ses actes.

Ce que je critique ouvertement aujourd'hui, ce sont ces pratiques stupides, inutiles, agaçantes, dangereuses et hélas tout à fait conscientes et préméditées. Vous savez ce que c'est : pour "acceuillir" les petits étudiants qui viennent d'entrer dans une université ou qui ont franchi leur première année d'études, ces joyeuses andouilles qui sont un an plus loin que vous vous forcent à bouffer n'importe quoi (oui, n'importe quoi, que les scatophobes m'excusent, mais je suis bien obligé de le reconnaître), à porter des sacs poubelle sur le dos avec là encore n'importe quoi dessus, puis à aller de vous forcer à vendre des images affligeantes de stupidité ou de mauvais goût ou à aller baisser la jupe d'une prof jusqu'à parfois même vous jeter du deuxième étage après vous avoir mis en sandwich dans deux matelas. Comme vous me le direz sûrement, c'est vrai, je n'ai pas encore connu cela, alors comment je peux savoir ? Il n'est pas nécessaire de fréquenter un établissement universitaire pour se rendre compte de cet acte barbare ; de nos jours, les activités bizutaires ont étendu leur terrain de jeu à la limite que peut atteindre la marche à pied, enfin jusqu'au jour où on vous attachera par les chevilles à l'arrière d'un bus.

Le plus grave de cet acte réside dans le fait que celui-ci se déroule dans l'insouciance la plus totale. A peine ose-t-on broncher lorsqu'on apprend la disparition "mystérieuse" d'un nouvel étudiant. Et si on leur demande, à ces têtes vidées de bon sens par le flux d'hormones responsables de l'envie de s'éclater qui dessine bien la définition du terme de "jeunesse humaine", pourquoi ils font cela, on ne réagit même pas quand on les entend dire "parce que c'est ce que nous avons vécu il y a un an" ou, bien pire, "parce que c'est devenu un rituel". Alors, vengeance ou conformisme ? Les deux, voyons. Une seule cause n'est pas suffisante pour expliquer une telle vulgarité de mentalité. La vengeance, c'est la cause la plus stupide qui soit, alors que le conformisme est la plus grave. La vengeance, c'est elle qui pousse ceux qui ont été ainsi maltraités à faire de même à leurs homologues d'un an d'écart, pour la seule et mauvaise raison qu'il "n'y a pas de raisons que les autres ne subissent pas ce qu'eux ont subi" : cette cause vient elle même donc de l'égoïsme grandissant des gens qui veut que plus on en subit, plus on en fait subir aux autres. Et c'est aussi la cause qui serait la plus facile à éliminer : le bizutage n'affectant qu'une année seulement chacun des étudiants par établissement fréquenté, il suffirait donc d'empêcher cet acte barbare une seule année pour dissuader ces égocentriques de maltraiter leur prochain.

Mais ceci ne serait pas suffisant pour calmer ces sinistres individus qui, non content de bien faire joujou à asticoter les autres, en tirent un orgueil aussi démesuré que l'humiliation qu'ils infligent : ce sont eux qui prennent le bizutage comme un rituel, une coutume, ce sont eux qui ont l'incroyable manque de savoir-vivre pour pratiquer leur culte plusieurs années de suite, et ce sont eux qui, plus tard, le pratiquent encore sur des personnes agées ou sur des étrangers, soit, dans le premier cas, pour en tirer un bien matériel en plus de leur parade virile, soit, dans le deuxième cas, pour mieux exprimer leur égocentrisme. Ces individus sont des barbares, des rebuts (théoriques, je l'admets) de la société.

Le seul moyen valable pour arrêter cet acte de violence vulgaire et gratuite serait de punir sévèrement tout individu pris en flagrant délit de ce genre d'activité, avec comme appui le vote d'une loi pour protéger la tranquillité des étudiants. Et le temps presse, car le nombre de cas autant que la gravité des conséquences de ces actes odieux sont en perpétuelle augmentation. Mais, évidemment, aujourd'hui, en ces temps post-soixante-huitards, quiconque ose porter préjudice ou même désaccord envers les jeunes se voit pratiquement accusé de crime contre l'humanité ou contre l'avenir, et aucune mesure concrète ne se dessine à l'horizon. Mais, qui sait, le jour où on retrouvera un groupe de blessés graves ou pire, de tués, peut-être commencera-t-on à se dire que les jeunes n'ont pas toujours raison, ou du moins que leur morale est apparemment en sévère baisse chaque année.


L'Amitié (01/02/97)

Qu'est-ce que l'Amitié ? Pas facile. Si j'ai bien compris la définition d'un philosophe (oui, un vrai) que j'ai lue récemment, c'est LE lien désintéressé fondamental à la vie en société. Mais à mon avis, c'est à la fois plus et moins que ça.

Moins parce que l'amitié, au même titre que l'amour (cf. l'essai correspondant), est une image que l'on donne à ses besoins et sentiments humains. C'est une sorte d'embellissement d'une réaction purement instinctive. Qu'on me comprenne bien : je ne suis pas en train de dire que l'amitié est une illusion et qu'il est néfaste d'y croire, loin de là. C'est une chose très belle que l'amitié. Mais, en réfléchissant bien, on finit par trouver exactement à quoi il correspond. Pareillement à l'amour qui est en fait un masque élégant aux pulsions animales et instinctives que nous envoie bien (trop) souvent notre cerveau reptilien, l'amitié est le joli et civil habit que revêtit notre besoin de chaleur humaine. Un homme seul est bien souvent un homme maleureux. L'humain a donc plus ou moins consciemment cherché à conserver la présence de monde autour de soi. Mais, pour y arriver, il n'existe depuis que l'homme est capable de juger et d'apprécier qu'un seul moyen : plaire. Non pas séduire, mais plaire : être reconnu comme "quelqu'un de bien".

C'est ainsi que l'amitié a pris une place de plus en plus importante dans notre vie : les amis sont la clef de la joie et de la bonne humeur et ils deviennent indispensables.

Mais l'amitié est également plus que notre définition de départ, car c'est à mon avis le seul sentiment véritable que peut actuellement fournir l'homme. Une amitié réelle se remarque aisément alors que l'hypocrisie dont font preuve certains a tôt fait de se faire mettre en évidence, pour peu qu'on se pose quelques questions. L'amitié, c'est un sentiment qui peut parfois dépasser le simple lien de société. Un couple vivant en parfaite amitié a toujours moins de problèmes qu'un couple se fondant sur une relation amoureuse. Et ceci se montre par le fait qu'on peut être en amitié avec plusieurs individus, alors que l'amour suppose une fidélité souvent rédibitoire. De plus, la jalousie à laquelle conduit bien souvent l'amour existe beaucoup moins avec l'amitié. Mis à part les réactions bien connues des petits enfants qui balancent à tort et a travers "J'te cause plus pasque tu lui causes", on assiste très rarement à des rivalités d'amitié, et c'est un peu aussi parce que l'amitié comporte pour base le respect de l'autre : l'amitié suppose qu'on respecte le fait que l'ami puisse être lié à un autre, sans pour autant priver le premier de quelque chose.

Mais l'amitié se fonde aussi sur un point on ne peut plus délicat : la confiance. C'est aussi quelque chose de très bien que la confiance, à condition que personne n'en abuse. Et c'est à ceux qui ont autant de scrupules que j'ai de respect pour les hypocrites (à savoir aucun, vous l'aurez compris) que s'adresse ma critique d'aujourd'hui. J'aurais sans doute pu consacrer un essai au sujet de l'abus de confiance, mais j'ai pensé que ce serait manquer d'irrespect envers ceux qui en font une de leurs armes pour mieux bouffer les faibles.

Quoi de plus détestable que de profiter de la confiance d'autrui dans un but tout autre que l'amitié ? Je dis "dans un but tout autre que l'amitié" parce que l'amitié étant par définition un sentiment désintéressé, tout profit tiré de la confiance des autres se voit d'office priver le sinistre profiteur du titre d'ami. Le plus grave est sans doute que les hypocrites n'arrivent pas ne serait-ce qu'à se poser la question de savoir si ce qu'ils font est mal. Pour eux, au fil de leurs honteux méfaits, le fait de flagorner par-ci par-là alors qu'ils n'éprouvent qu'indifférence (ou pire : du mépris) envers leur "objectif" devient un reflexe, un acte comme un autre. De plus, ils ne se rendent pas compte du mal qu'ils font : l'homme qui ne donne plus sa confiance est un homme qui ne peut plus vivre en société, et ces sombres individus ne conduisent leur victime, à partir du moment où elles deviennent lucides, qu'à perdre leur confiance envers leurs semblables.

A la vue des yeux qui sont les miens, l'hypocrisie est le plus grave défaut qu'un homme puisse posséder, passant avant les préjugés et la vanité. A ces irrévérentieux hypocrites, je n'ai que ceci à dire : oseriez-vous encore penser, en considérant ce que vous faites, que vous soyez encore des êtres humains, respectables en tant que tels ? Réfléchissez un petit peu pour les autres, pour une fois, et vous verrez que flatter quelqu'un dans le but d'y gagner quelque chose revient à rabaisser l'humain auquel vous volez la confiance. Et comme sur cette terre l'individu le plus bas est le plus souvent celui qui se croit le plus haut, vous conviendrez que même si vous y gagnez quelque sombre profit, vous y laissez peu à peu ce qu'il reste de dignité à l'être humain, d'autant plus que dans la plupart des cas, l'hypocrisie finit par être démasquée, et c'est là que vous tombez encore plus bas que là où vous avez cru voir votre inconscient bienfaiteur.


Le Savoir-Vivre (05/03/97)

C'est en lisant récemment un livre sur le savoir-vivre français que m'est venue l'idée de cet essai. Ce livre, que j'aurais volontiers sous-titré "ou comment devenir un bon petit hypocrite" était un recueil des civilités classées "normales" par l'auteur du fameux livre. Essayons de bien cerner la définition du terme de savoir-vivre : le savoir-vivre, c'est l'ensemble des règles morales dans les rapports humains et dans le comportement de sa personne imposées à tout individu prétendant être civilisé. En gros, ça veut dire "ce qu'il faut faire pour avoir l'air "bien" aux yeux des autres. Il est vrai que, de nos jours, il paraît illusoire de faire un monde civilisé sans règles morales. Mais doit-on pour antant, nous êtres humains qualifiés d' "uniques" aussi bien par les philosophes que les scientifiques, se laisser littéralement porter par ces règles ?

C'est vrai, quelqu'un d'immoral qui ne respecte aucun des principes de civilité est quelqu'un de peu fréquentable. C'est vrai, la morale est une forme de communication et de compréhension entre les gens. Mais pourquoi diable établir autant de ces règles aussi absurdes que nombreuses, qui si elles ne sont pas négligées, sont pour la majeure partie d'entre elles oubliées ou inconnues ? Savoir rédiger une lettre est une bonne base à n'en pas douter, car le respect commence par celui de l'élocution. Mais, excusez-moi, je ne saisis pas l'intérêt de connaître exactement le déroulement de l'acte mondainement appelé le "baise-main" (sisi ça existe toujours), centimètre par centimètre ni de connaître la façon de tenir ses couverts lorsque son voisin de table d'en face vient de prendre la parole.

Respecter autrui, d'accord. Mais il ne faut pas confondre ça avec respecter bêtement un principe venant d'on-ne-sait où. Prenez l'exemple du fait que, chez les gens de "bien" losqu'ils invitent à dîner (et plus c'est fréquent, mieux c'est pour eux, on comprend aisément pourquoi), chaque homme doit d'abord aider son épouse à s'assoir pour ensuite s'assoir lui-même, le maître de céans s'asseyant ensuite et juste avant la maîtresse de maison. Quoi de plus ridicule que cette organisation prédéfinie où chacun doit absolument faire ainsi de peur d'être ipso facto "mal vu" ? Si certaines règles font effectivement appel au bon sens et au respect de l'autre (qui oserait venir en jogging à un meeting ou un entretien ?), certaines ne sont qu'orgueilleuses exhibitions de la culture mondaine.

Je dirais que, presque par définition, trop de savoir-vivre mène à l'anéantissement de l'originalité humaine qui nous est propre. A force de faire ce que font les autres en prenant pour pretexte le fait d'être "comme il faut", les gens ne se rendent même plus compte du dénaturement de leur caractère personnel. Et puis, disons-le tout net : quoi de plus insupportable que ces gens qui ne vivent qu'en dépendant du regard des autres ? Quoi de plus irritant que ces gens qui, par exemple s'habillent exactement comme tous les autres de peur d'être jugé sur l'apparence qu'il donnerait s'il ne respectait pas les conventions ? Ne penser qu'à son image de marque ne mène qu'à la banalisation de l'individu. Ce qui est d'ailleurs on-ne-peut-plus conforté par le fait des flatteries émises par les autres partisans au savoir-vivre et par les reproches aux contrevenants remettant en cause l'intégrité de leur cerveau.

Imaginez une société où tous les gens sont pareils. Ils sont vetus de la même façons, parlent des mêmes sujets et de la même façon, marchent comme les autres. Quoi de plus attristant que de se promener en un pareil endroit ? Vous allez me dire "mais ils n'ont pas tous la même tête, la même taille..." c'est vrai, et encore heureux, quoique les récentes preuves de la possibilité de cloner les individus à l'infini à partir d'une seule de leurs cellules remet en cause à long terme l'assurance de cette affirmation. Le plus grave avec cette crise indolore, c'est justement qu'elle se transmet de façon quasi-transparente et qu'avant même de se poser des questions ils sont déjà exhortés mentalement à suivre le troupeau de leurs semblables. Loin de leur conseiller de revenir aux mouvements yéyé et d'en arriver aux actions anarchiques, ma critique du jour s'adresse à ceux qui suivent de façon involontaire, ou pire : volontaire, les autres sous prétexte de l'intégration des individus dans les groupes. Je ne dis pas qu'il faut à tout prix éviter de faire ce que font les autres mais qu'il est nécessaire de suivre ses goûts plus que ceux des gens de notre entourage. C'est une qualité requise à l'être humain pour atteindre sa maturité morale et l'épanouissement de son moi.


La Violence (13/03/97)

C'est hier, à la suite de ce que les établissements représentatifs de l'Education Nationale appellent un Temps Fort (mais qui prend trop souvent le nom et la signification d'arrêt momentané des cours par une bonne partie des élèves), que j'ai eu l'idée d'écrire un essai portant sur le thème dudit temps fort : la violence. Qu'est-ce que la violence ? Loin de s'en tenir au seul fait de brutaliser un de ses semblables, la violence peut se définir comme la victoire de l'instinct sur l'esprit. En effet, existe-t-il un acte plus primitif et plus rétrograde que la violence pour l'humain, qu'on prétend être un animal évolué ? Non. Et pourtant, elle est omniprésente : dans les écoles, dans les rues, dans les salles de cinéma, sur les murs, sur les terrains de sport et même (hélas !) dans les familles.

Première caractéristique de la violence au sens propre du terme : elle n'est pas contrôlée par la conscience, ce qui est d'autant plus grave que cette inconscience est le propre de l'animal primaire. Mais si elle est volontaire, fruit de la brutalité d'un être reléguant son inhumanité au rang de principe et par suite visant à détruire son prochain, alors nous n'avons même plus affaire à des animaux encore dignes de ce nom. Ce sont des monstres. Pas plus, et parfois même encore moins, car jusqu'ici, on n'a encore jamais trouvé d'animal prenant pour objectif ou -pire- prenant pour plaisir de brutaliser ses semblables.

Les violents bénévoles ne méritant même pas notre attention, attardons-nous sur la violence inconsciente. La grande question est de savoir d'où elle vient. On a récemment mis sur la table les médias et les réalisations audio-visuelles au milieu des problèmes de l'éducation parentale et de la perversion de l'esprit. On ne saurait nier que toute cause, tout événement et toute idée peut entraîner la violence tant elle a de facettes. La violence est comme l'intérieur d'un volcan : ça mijote un bon moment en augmentant sa chaleur et son ampleur et, dès qu'il se passe ce qui n'aurait pas dû arriver, elle explose sans forcément que les autres comprennent pourquoi. La violence n'est pas un sentiment. C'est les résidus de ce que notre esprit considère comme malheurs ou injustices. C'est pourquoi que tout peut la déclencher et que parfois un rien suffit à la libérer de son carcan qui lui se nomme "Respect".

La violence est une caractéristique supplémentaire de l'être humain, et tout être humain considéré comme "normal" dans le sens bio-transmissif du terme, possède un capital de violence qui se manifeste des la naissance : les cris et les gesticulations du nouveau-né le montrent : si celui-ci pouvait voir correctement le médecin, il chercherait probablement à frapper cet espèce de trouble fête qui l'a retiré si brutalement de son nid si douillet. Certes, le capital de violence de chacun varie en qualité et en quantité, mais il n'en demeure pas moins présent jusqu'à l'arrêt des fonctionnalités primordiales du cerveau, à savoir la mort. Certains sont plus facilement irritables que d'autres car leur trop-plein respectif est plus tôt atteint, mais la nature et les conséquences de la violence varient d'un individu à l'autre : de la dépression nerveuse au crime passionnel en passant par les crises de destruction de tout ce qui se trouve autour de l'individu, il n'y a pas qu'un pas à franchir.

Mais laissons la violence elle-même de côté pour l'instant, pour la bonne et simple raison que lorsqu'elle se manifeste, il n'y a en général plus rien à faire, sinon attendre. Là où nous, ceux qui restons lucides alors que notre prochain devient violent en attendant notre tour de passer aux actes violents, nous nous devons d'agir c'est avant la violence : nous devons agir sur les causes elles-mêmes. A commencer par réfléchir un peu avant de se laisser emporter par nos réactions spontanées. Pourquoi s'acharner à vouloir casser tout ou tout le monde avant de connaître exactement les causes de nos réactions ? Nos réactions spontanées définissent notre personnalité, d'accord. Mais de là à en faire un prétexte, je dis stop. Stop, parce que, justement, la violence est le plus parfait exemple de perte de contrôle de soi. Et l'humain qui ne se contrôle plus n'est plus un humain car son cerveau ne lui sert plus et que tout le monde sait que toutes les différences entre les animaux et les humains proviennent du cerveau développé dont bénéficie l'homme. Et, même si elle nous libère d'un poids qui n'est que trop présent en nous, la violence n'est jamais une solution, et ce pour plusieurs raisons : d'abord, la violence, de par sa nature spontanée, ne fait appel qu'à nos plus subjectives visions des faits. Ensuite, la violence, à cause de l'humiliation qu'elle inflige aux éventuels humains visés, n'entraîne qu'une envie de vengeance de la part de ces derniers. Et puis, et c'est une troisième raison, ceux qui justement réagissent à la violence en libérant leur sienne propre ne font qu'augmenter la réalité fatidique du cercle vicieux de la brutalité. La violence est parmi nous, ça nous le savons. Et, tout aussi dommage que ça puisse être, jamais nous ne nous en débarasserons.

Pour en revenir à la violence elle-même, il ne faut pas croire que l'inconscience dont elle bénéficie excuse tout. Une brute épaisse reste un irascible violent stupide et un pédophile reste un violeur d'enfants. Ce qui fait la qualité de certains et le défaut des autres est justement la limite qu'ils arrivent à se fixer quoi qu'il arrive. L'exemple typique est la différence existant entre la violence des actes et la violence des paroles. Une insulte, tout aussi irrespectueuse soit-elle est bien moins grave qu'une blessure ou qu'un tag (ne dit-on pas que les paroles s'envolent et que les écrits restent, même si les tags peuvent être mis à part car manifestations de la violence des lâches ?). D'accord, une déclaration de mépris est plus grave qu'un coup de poing sur le nez, mais à niveau de tension atrérielle égale, ceux qui font appel à la violence des mots s'en sortent souvent plus soulagés pour un destinataire moins humilié.

La violence, c'est à n'en pas douter une partie intégrante de chacun de nous. Comme quoi, la loi de la jungle déteint sur nous même sous notre couverture de civilisation : se croire fort nous aide à nous donner l'impression de mieux survivre. Mais, en ces temps où la violence ne cesse d'augmenter, on est tout de même en droit de se demander comment mettre des bâtons dans les roues de ce fléau parasitaire de nos mentalités perverties. Mais, comme tout problème d'origine humaine, il faudrait là encore une prise de conscience générale. En attendant celle-ci, des mesures s'imposent, pour viser à faire peur à ceux qui n'arrivent pas à concevoir la violence comme une tare injuste et bien plus néfaste qu'utile ou même pardonnable.


Le Droit de Grève (25/04/97)

Je trouve qu'on devrait restreindre le droit de grève en France. Pouquoi ? Tout simplement parce que c'est une arme aussi destructrice qu'immorale. Je sais ce que certains vont dire mais, je vous le demande, qui est-ce qui écrit ici, eux ou moi ? Bon alors. Donc je disais que je soutiens que le droit de grève est trop grand en France.

Je m'explique. Récemment encore (et encore), j'étais condamné comme plusieurs centaines, que dis-je plusieurs milliers de mes semblables à faire le poireau devant les tableaux de départ de la SNCF (vous savez, cette compagnie censée partager le progrès entre tous les français), lesquels étaient moins actifs que d'habitude, et sous leurs messages vocaux ne rassurant qu'eux-mêmes, tout ça en attendant que ces messieurs daignent nous préparer un train qui rouleraient normalement. A propos des messages diffusés à l'arrivée de chaque train, je vais vous faire part du plus fréquent (!) d'entre eux : «Par suite de l'arrêt de travail (chez nous, on dit : grève) d'une certaine catégorie de personnel de la SNCF (ils avaient si peur que ça d'être désignés, les contrôleurs ? C'est vrai qu'ils ne font pas un métier qu'on aime à voir souvent en action, mais c'est pas une raison pour se planquer derrière son insigne), la circulation ferroviaire est susceptible d'être perturbée (notez que dans la région, seuls 50% des trains étaient assurés, plus d'un tiers d'entre eux étant en retard de plus d'une demi-heure). Nous vous prions de bien vouloir nous excuser des désagréments pouvant être occasionnés (sans commentaires), etc.»

Honnêtement, oui vous là-bas qui écoutez ce que je dis là, quand cela vous arrive, qu'est-ce que vous pensez, surtout si vous êtes pressé ? Qu'on se moque de vous. Eh bien, figurez-vous que vous avez raison : on se moque de vous, et dans les deux sens du terme, car le droit de grève c'est le pouvoir d'influencer ses supérieurs en nuisant volontairement aux pauvre peuple qui ne demande pas mieux que de prendre son tchou-tchou ou son pouet-pouet tous les jours. Le droit de grève, c'est aussi le droit d'asticoter les gens non seulement en toute impunité mais en plus avec l'espoir bien réel d'y gagner quelque chose. Le droit de grève, c'est enfin le droit de passer ses journées loin du métro-boulot-dodo tellement agaçant tout en espérant (souvent à juste titre ici aussi) être payé quand même. Ah, messieurs de la SNCF et d'Air France (pour ne citer qu'eux), imaginez un instant que comme ça, pour une raison insignifiante, une majorité de français décident de faire comme vous. Pensez aux millions que vous perdriez. Et en plus, pour protester contre ce manque à gagner, que feriez-vous donc ? Nous y revoilà.

Moi je dis que le droit de grève devrait être revu à la baisse en notre pays. Et qu'on ne vienne pas me dire que je dis ça parce que je ne connais pas encore le boulot. Les grèves de lycéens, moi, je connais ça : ça met le désordre partout, ça énerve les profs qui larguent leur verve sur les élèves qui restent et ça la ramène dans les rues à dire n'importe quoi. Et c'est d'ailleurs une abérration monstre que de laisser manifester ces ces bandes de boutonneux aux jeans larges, lesquelles bandes, lorsqu'on leur demande quelles sont leurs revendications ne savent répondre "Faut être solidaires" voire rien du tout. Surtout qu'en principe les étudiants n'ont pas le droit de grève et encore moins de manifester. Mais, évidemment, en nos temps encore imprégnés de l'ambiance soixante-huitarde, ces droits ne sont pas surveillés pour les jeunes.

Le droit de grève, disais-je tout à l'heure avant de m'en prendre à ceux que je fréquente du lundi au vendredi, le droit de grève c'est l' "art" de persuasion par les représailles sur les tiers personnages, ceux qui ne vous ont rien fait et que vous voyez de haut. Vous qui réclamez tant, pourquoi ne pas aller voir dans la cour des grands, au lieu de tabasser les tout-petits pour provoquer la pitié de leurs aînés ? Vous allez me rétorquer que c'est le seul moyen. Je dis non. Regardez dans les pays où le droit de grève est limité : ils s'en sortent beaucoup mieux que vous parce que, eux, au lieu de profiter de leur pouvoir de faire des gens des hotages diplomatiques, ils cherchent des moyens d'attaquer les grands. Je trouve que de la part de compagnies se prétendant au service des contribuables (il n'y a qu'à prêter attention à vos publicités pour s'en convaincre - à tort), l'attitude d'exciter les gens pour faire pression sur le Grand Capital est tout bonnement affligeante. D'accord, ce ne sont pas les compagnies mais les employés qui font grève mais c'est à la direction de ces compagnies qu'incombe la tâche de faire en sorte que la grèvitite ne devienne pas un fléau : comment et pourquoi osent-ils rémunérer les jours de grèves ?

Pour continuer, rendez-vous compte, bande de paresseux égocentriques, qu'avec les jours de grève que vous provoquez, vous affaiblissez économiquement le pays ? Un seul jour comme ceux de décembre 95 coûte plus d'un milliard de francs à la France, pour les quelques dizaines de ces mêmes francs que vous gagnez ? Et dire qu'avec ça, on s'étonne que les autres pays aient de quoi rigoler en voyant notre monnaie se mettre elle-même du plomb dans l'aile. Dans un pays où 100% des gens pensent que «le chômage c'est pas beau», plus de la moitié d'entre eux pensent que «la grève c'est utile».

Maintenant, c'est vrai qu'il y a une certaine mesure : je n'ai rien contre les protestations des ouvriers exploités qui n'ont que leur smig (et encore) tous les mois pour se payer des abonnements à des transports toujours en grève. Non, je pense (et le mot est faible) surtout à ces employés toujours en quête de rondeurs dans leurs fins de mois et d'amincissement du nombre d'heures passées au bureau. On ne le dira jamais assez, la grève c'est comme les médicaments (auxquels elle a un peu trop tendance à s'assimiler, d'ailleurs) : la grève, c'est bien, en abuser, ça craint.


Les Groupes de Jeunes (28/05/97)

Avez-vous remarqué comme les jeunes aiment à former des groupes toujours plus gros et comment plus on est agés, plus on a tendance à détester ces groupes ? Quant on est jeunes, quoi de plus excitant que d'aller s'éclater avec une dizaine de ses semblables, histoire d'aller rigoler un bon coup ? Mais quand on est plus agé, on ne peut pas s'empêcher de pester contre ces groupies de boutonneux en pantalons déchirés. L'instinct du groupe serait-il annihilé par l'âge ?

Franchement, je prie pour que ce soit le cas. Les groupes de jeunes sont ce que la société procure de pire après les terroristes et l'hypocrisie. Comment supporter ces bandes de gamins irrespectueux et inconscients qui peuvent décider à tout moment, comme ça sans raison autre que de se marrer, d'aller rixer à un supermarché ou d'aller taper sur une petite vieille incapable de se défendre. Comment tolérer ces coutumes qui sont les leurs, celles qui les poussent à boire, fumer, se trémousser sur un barouf d'enfer et tout casser quand leur corps a bien emmagasiné ces poisons ? Comment accepter que ce soient les jeunes, parmi les individus les moins expérimentés de la vie, qui se servent de leur cervelle uniquement pour impressionner leurs proches et emmerder les autres ? Et surtout, mais là c'est plus personnel, comment arriver à s'imaginer que nous ayons pu être comme ça nous-mêmes, il y a plusieurs (dizaines d') années ? Que de bonnes questions, euh, merci de me les avoir posées...

Comme je le disais, les groupes de jeunes sont parmi les éléments les plus perturbateurs de notre société. Je n'ai rien contre ces petits groupes qui se forment dans les établissements scolaires, ces petits groupes qui supposent une entente cordiale et un respect pour les autres dûs à la fonction d'étudiant qu'ils arborent. Non, je m'en prends à ces bandes des rues, ces troupeaux de jeunes, grêle terreur des cités et autres banlieues, incubateurs de la violence et de ce que j'appelle la connerie précoce. Ils sont créateurs de violence par nature et de connerie par conséquence. La violence est leur outil de travail et la connerie est leur idéal inavoué. J'explique mon terme de connerie précoce, dont le premier mot est à prendre au second degré. Nous savons qu'être con (dans le sens de nuisible à la société de par son manque de bon sens) réclame d'être adulte responsable, parce que l'insouciance d'un enfant n'est en général dangereux que pour le petit cercle de personnes tournant autour de lui. Mais comme les jeunes qui se mettent en groupes se sentent de plus en plus indépendants, il est de plus en plus évident que ces jeunes deviennent cons de plus en plus tôt. Je ne sous-entends pas qu'ils le sont tous, pas plus que je ne suppose que tous les adultes le sont, mais, honnêtement, le comportement d'une bonne partie des jeunes est insupportable, les uns parce qu'ils décident d'agir comme des cons et les autres parce qu'ils suivent les uns comme des décérébrés.

Concernant, la violence, un de leurs passe-temps favoris, elle se manifeste chez eux sous la forme de plusieurs aspects : leur langage (il y a des fois où je regrette de ne pas être sourd), leurs réactions face aux reproches - même constructifs - qu'ont leur adresse, leur façon de s'habiller (par exemple ces lettres rouge-sang sur ces fonds noir-vide), leurs dessins obscènes sur les murs et leur humour. Alors là, je demande toute votre attention : parlons-en de leur humour. De quoi croyez-vous que ces esprits gorgés de brume d'ignorance et d'alcool peuvent bien rire ? Les faits sont là : des blagues violentes, racistes, stupides ou situées en-dessous de la ceinture (vous la connaissiez, vous, l'histoire du mec qui en a trois ?). Ah, j'oubliais aussi que l'activité consistant à se moquer éperdument des jeunes un peu plus "corrects" qu'eux leur fournit inspiration malsaine pour leurs fou-rires incontinents. Aujourd'hui, leurs relations "amicales" entre eux-mêmes n'existe que par cet humour dérisoire qui les entraîne à se balancer mutuellement reproches injustifiés et ironies douteuses, bien souvent suivies d'un "Mais j'rigole" narcois. C'est un humour dégoulinant aussi bien par leur nature que par les larmes de pitié que sont souvent tentés de verser les gens normaux.

Jeunes et jeunes, garçons et filles, rapaces et punaises, emmerdeurs et hypocrites, cons et amatrices de ceux-ci, irrespectueux et impressionnées, je vous méprise dès que vous vous coalisez dans le but de fonder votre insignifiant bonheur sur le malheur des autres. Votre comportement n'a d'égal en ridicule que la tête que vous tirez le jour où vous vous apercevez que vous avez passé votre jeunesse à pourrir votre vie. Mais le plus grave est sans doute que vous entraînez derrière vos empreintes répugnantes des enfants de plus en plus "jeunes", justement. Votre comportement dénué de bon sens déteint sur ces esprits censés être la relève des nôtres. Et en plus vous êtes tous fiers de ce que vous faites.

Jeunes, les groupes font de vous des bandes de sagouins de la vie en société.


Le Droit de Vote (02/06/97)

Nous vivons dans un pays démocratique. C'est-à-dire qu'en principe, tout citoyen a le droit de soutenir ses idées ou celle d'un autre, de les commenter et de les comparer (sauf dans le cas des messages publicitaires, mais là c'est autre chose). C'est de cette idée qu'est née l'idée de vote, et surtout celle de suffrage universel. Le vote, c'est le fait qu'un peuple a le droit de mettre qui il veut à la tête de son pays. Le suffrage universel, c'est la même chose sauf que ça va plus loin : ça signifie en substance que quel que soit celui qui se présente à des élections, aussi intelligent, con, compréhensif, gnangnan, sympathique, méchant, expérimenté, corrompu, honnête ou tyrannique soit-il, chaque citoyen a le droit de voter pour lui s'il le souhaite (d'où la création du vote à bulletin secret). Et il y a bien des fois où je me demande si tout cela est bon pour les pays.

Tout d'abord, je n'arrive pas à comprendre qu'on autorise à voter à 18 ans. A cet âge, il n'y a pas plus de la moitié des jeunes qui savent pour quoi ils votent. Concernant la personne pour qui ils votent, je ne dis rien, on voit déjà bien assez leur bouille sur les affiches électorales pour qu'on ne conaisse pas les candidats eux-mêmes. Mais leurs idées, je connais pas beaucoup de jeunes de 18 ans qui sauraient me dire quelle est l'idée directrice de chaque parti. L'autre jour encore, j'ai entendu dire par une bouche (de 18 ans, cela s'entend) pour laquelle je souhaite de rester anonyme, quelque chose comme "bof, la gauche ou la droite, quelle différence ?". Vous pourriez encore me dire que la personne voulait dire que les deux côtés étaient aussi pourris l'un que l'autre. Que nenni, chers lecteurs : "Leurs idées sont les mêmes", ai-je entendu par la suite. Avouez que dans un pays où on laisse voter n'importe qui capable de prétendre à être majeur, les vieux qui n'ont aucune idée de ce qui se passe dans le pays, les anciens cas pathologiques et les candidats eux-mêmes, y'a de quoi revoir la loi. Et quoi de plus discutable que ces votes effectués par "une personne de confiance", où la personne - de confiance - peut aisément et impunément se tromper mystérieusement de papier ?

Pour en revenir aux jeunes, moi je dis, j'affirme et je maintiens qu'on ne devrait pas pouvoir voter avant d'avoir fini ses études, effectué son devoir envers la patrie (comprenez service militaire pour les natifs d'avant 79, les 5 ridicules petits jours pour les autres), et avoir effectué au moins un travail qui ait fourni à la personne l'occasion de goûter aux relations sociales. Les jeunes qui votent sont bien souvent aussi incultes dans le domaine de la politique que dans ceux auxquels leurs études ne touchent pas. Si ce n'était pas le cas, il y aurait moins de voix en faveur du front national et plus en faveur des écolos. Mais que voulez-vous, quand on n'est pas capable de s'apercevoir de l'incongruité de certains discours extrémistes, ou qu'on est pas capable de comprendre ce qu'élection, ce petit mot-clé qui apparaît tous les sept ans et à d'autres périodes également, peut avoir comme conséquences pour un pays, moi je dis que voter devient un délit, peut-être même un crime, ou tout du moins une non-assistance à pays en danger, parce qu'on risque de mettre en péril le pays tout entier, et donc nos semblables. A quand la sécu pour le pays ?

Deuxième point, mais un peu plus spécial. Nul n'ignore les résultats des dernières élections législatives, à force de les avoir entendus à la radio et vus à la télé (j'exclus les commentaires des présentateurs). Franchement, les français restent pour moi une grande source de questionnements. Je n'arrive pas à comprendre les français. Exemple : ils sortent de 14 années globalement socialistes (même si les président n'était pas dans l'idée), 14 années de mécontentement toujours plus grand, 14 ans plus magouilleuses que jamais. Et boum, hier, on s'aperçoit que les français en redemandent. Bien sûr, c'est leur droit le plus légitime, et notez que je ne donne aucune opinion personnelle sur la politique du pays : je suis trop jeune et j'en suis conscient. N'empêche, c'est une situation assez dure à comprendre et tout ce que je remarque, en fait, c'est qu'à chaque élection, la tendance s'inverse. J'en suis réduit à croire que les français ne savent pas ce qu'ils veulent, qu'ils ne savent qu'alterner leurs choix parce qu'ils ne sont jamais contents. La gauche, mes amis, c'est ce que vous avez tant critiqué à la mort de F. Mitterrand, la droite, c'est ce que vous passez votre temps à critiquer dès qu'on parle de réformes sociales. L'extrême-droite, c'est ce parti pour lequel 15 pourcent d'entre vous votez sans oser l'avouer. Les verts, c'est ceux que vous critiquez avec Green Peace. Et aujourd'hui, on apprend que plus d'un tiers des français souhaite que Chirac démissionne. Mais, bon sang, qu'est-ce que vous voulez ? L'anarchie ?

Tout ça pour vous dire que le vote, à mon avis, c'est une chose bien plus compliquée qu'on ne le pense. La France a besoin de faire un choix, pas de tout essayer en espérant que ça va marcher, car le déséquilibre créé par ces alternances dans les majorités n'est devenu que trop grand. Et pour ceux qui prennent ça à la légère, je préfère dire qu'il vaudrait mieux qu'ils grossissent les rangs des abstentionnistes plutôt que de voter à la pile-face d'une pièce ou de la figure du candidat.


Les Préjugés (05/07/97)

Les préjugés, c'est quoi ? C'est par exemple lorsque nous disons (je mets la première personne du pluriel parce que nous avons tous dit ça un jour) : "Il a l'air con, c'ui la !". Les préjugés, c'est imposer sont point de vue, bien souvent à des gens qui s'en fichent, sans connaître ce de quoi on parle. Les préjugés, autres exemples, c'est quand on dit "La politique c'est nul" ou "Les ordinateurs, ça rend fou". Les préjugés font partie de ces calamités sociales qui corrompent les hommes au point de les éloigner des animaux mais pas en bien. Les animaux, eux, ils s'acceptent et se tolèrent tous. Je discerne trois groupes principaux de préjugés : les préjugés de tous les jours, les préjugés familiaux et les préjugés socio-hiérarchiques.

Les préjugés de tous les jours, c'est ceux dont je vous ai donné les exemples plus haut. Ce sont les plus fréquents mais pas forcément les moins méchants. Quand la voiture devant nous cale, on se demande automatiquement si le gars qui est dedans a trouvé son permis de conduire dans une pochette surprise. Tout ça, on ne s'en aperçoit même plus parce que c'est devenu une habitude. Nous sommes des humains et nous voulons avoir un jugement, une opinion et si possible avoir raison sur tout. Pourtant, il est indéniable que les préjugés sont le début du mépris, voire de la misanthropie. Négliger notre prochain, c'est grave. Mais on se rassure en se disant que l'autre pense la même chose de nous. Bref, les préjugés de tous les jours, c'est une sorte de cercle vicieux qui nous éloigne des gens qu'on ne connaît pas et nous rapproche de ceux qu'on connaît.

Les préjugés familiaux sont déjà plus complexes : quand j'entends le père d'un copain dire à ce dernier "Ah, tu vas encore chez ce drôle de Eric ?" alors qu'il ne m'a vu qu'une seule fois (et je dis bien "vu", pas "observé"), je me pose des questions. Et puis quoi de plus humiliant que ces recommandations vieillotes et exaspérantes que se voient sermoner les jeunes filles par leur mère qui vient d'apprendre que leur chère enfant va se marier ? On a tous un jour subi des préjugés familiaux ("Encore en train de sortir avec lui ?"), et, là aussi c'est un cercle vicieux, nous les propageons nous-même à notre propre famille dix ou vingt ans après. Vous aussi un jour vous trouverez que ce que fait votre fils sur l'ordinateur ou votre fille dehors n'est pas normal. Remarquez, les préjugés familiaux jouent dans les deux sens. "Mon papa à moi, il est plus fort que le tien et ma maman à moi elle est plus belle que la tienne", combien de fois entend-t-on cela dans les écoles primaires ? Et plus tard : "Mes parents, y comprennent rien". Bref, les préjugés familiaux, très fréquents eux aussi, c'est l'art de critiquer tous les âges différents du nôtre.

Les préjugés socio-hiérarchiques sont en général les plus dissimulés. Votre patron est trop gonflant ? Votre secrétaire trop bête ? Vos professeurs trop incompréhensifs ? On se comprend tous. Moi aussi j'ai trouvé certains de mes supérieurs vraiment pas normaux. Mais quelqu'un de "normal" peut-il arrivé à être considéré en tant que tel par quelqu'un d' "anormal" ? Et puis où est la normalité ? A votre avis, croyez-vous que les chefs d'entreprise ne trouvent pas leurs employés trop cons ou trop fainéants ? Nous sommes tous pareils, du moins sur ce point de vue : les préjugés, ça soulage le moral quand il tombe un peu plus bas que le recul par rapport aux événements. Bref, vous l'avez compris, les préjugés c'est la base de notre désir de dominer. De l'enfance à l'âge adulte, et même jusqu'au troisième âge (il n'y a qu'à voir ce que les vieux pensent des jeunes pour s'en convaincre), les préjugés alimentent nos fantasmes dominatoires.

Si les préjugés constituent un moteur de notre désir d'ascension sociale, ils n'en demeurent pas moins une source de problème, partout dans la société humaine. La critique, c'est l'acte d'appréhender une chose ou une idée, considérer, juger pour enfin approuver ou rejeter la chose. Les préjugés, c'est la critique sans l'élément de départ. Ce qui est le plus triste, c'est que les préjugés sont passés dans les moeurs et ne choquent pratiquement plus personne.Vous allez me dire que quand on pense qu'avant, émettre un doute sur les grandes théories menait à l'échafaud, tout ça a évolué. Fort bien. Mais l'échafaud, lui, montrait bien que l'idée que le pauvre personnage avait émise avant d'y aller avait été considérée, même si préjugée elle aussi. Aujourd'hui, on commente un discours politique ou un nouveau jeu vidéo avant même de l'avoir vu. Il y à peine quelques semaines, je vous disais que le tiers des français voulaient que Chirac démissionne. Aujourd'hui, vous n'êtes pas sans savoir que les français pestent contre leur nouveau gouvernement à peine formé. Si ça c'est pas des préjugés, je demande à visiter un ancien échafaud.


Le Clonage (08/07/97)

"Hello, Dolly", ai-je pu récemment lire sur Internet, sur un site qui clamait haut et fort son approbation envers le clonage. Le clonage, c'est très simple à comprendre : on prend une de vos cellules et on fait des milliers de copies conformes de vous, mais c'est une opération tellement difficile à réaliser qu'il a fallu attendre aujourd'hui pour arriver à la réaliser. On pourra donc considérer que tous les humains qui sont morts il y a plus d'un an sont des chançards.

Pourquoi des chançards ? Très simple : le clonage, c'est la fin de ce qu'il restait en l'homme de respect envers la nature. Déjà sur Internet, plusieurs site vous garantissent que si vous leurs confiez quelques unes de vos cellules et une "modique" quantité de dollars, ils vout referont naître dans 10, 50 ou 100 ans. Il y a fort à parier que déjà bien des mégalomanes egoïstes se faisant passer pour des hommes aient déjà souscrit à cette seconde vie. Que leurs espérances soient satisfaites ou non, là n'est pas la question. La question, c'est "Avec le clonage, sommes-nous encore des humains, ces êtres doués d'intelligence pour la mettre au service des autres ?"

Le clonage enthousiasme plus de gens qu'il n'en choque. Peut-être sommes nous aveugles au point de croire béatement aux rejets de nos présidents respectifs ? Leurs interdictions respectives sujettes d'être bientôt officielles ne portent que sur la recherche publique. Mais la recherche privée ? Au Etats Unis, elle va aller bon train, échangeant des cellules à tire-larigot, tout ça pour des histoires de pognon, suscitées par la mégalomanie d'une bonne partie du peuple. L'homme risque enfin de trouver son fantasme de tous les temps : vaincre la mort. La peur de la mort fait partie de ce qui fait de nous des hommes, c'est vous dire ce qui reste d'humanité chez les hommes qui cherchent à la dépasser.

Non content de nous balancer à la tête que le clonage n'est point du tout un danger, on nous ajoute que l'homme saura toujours se fixer des limites morales. Mais à partir de quelle moralité ? Restons sérieux. Les dangers du clonage sont réels et bien plus grands qu'on ne peut les imaginer. C'est à partir d'une seule petite erreur de prise en main de la réaction en chaîne de fission que la centrale nucléaire explose. En outre, qui retrouve-t-on à chanter les louanges du clonage ? Parfois les mêmes qui pensent que dans 50 ans, la planète ne pourra plus nourrir tous ses habitants. Vous allez me dire que le clonage sera sûrement un luxe que peu de gens pourront se payer. C'est ce qu'on disait d'Internet aussi, il y a dix ans mais aujourd'hui, vous entrez dans un Cyber-Café, vous payez 100 francs et vous voilà sur le net pour au moins 4 heures. On passera bien vite de la boîte du petit chimiste à celle du petit cloneur en passant par celle du petit chirurgien.

N'oublions pas non plus les dangers assurés dès que cette techniques arrivera entre les mains d'un homme ou d'une coalition d'humanoïdes sans scrupules, qui n'hésiteront pas à grossir l'armée de leur pays d'individus croisés pour les capacités humaines les plus grandes et clonés à l'infini. La guerre des robots n'aura peut-être pas lieu si tôt que prévu. Sans compter également que se procurer des animaux pour les essais dans les laboratoires sera de plus en plus facile : "vous aurez vos 100 témoins pour tester vos colorants P5jß7 dans 10 jours tout au plus."

Le clonage est l'ultime étape de la décadence du progrès. Jusqu'ici, je n'avais jamais protesté contre les retombées du progrès (guerres nucléaires potentielles, chomâge, et bien d'autres) et une simple technique bien gardée et surveillée ne m'aurait pas fait tiquer. Mais de voir que déjà tellement de compagnies ont investi dans l'achat d'équipement de clonage a de quoi faire peur. Et même si la Terre compte bien des hommes respectueux envers la moralité, il en existera toujours qui ne penseront qu'à leur intérêt, sans réaliser les risques que comportent leurs actions.

Tout ce qu'il me reste à espérer, c'est que le cadavre d'Hitler est bien irrécupérable, comme on le prétend.


L'Esthétique (31/07/97)

Les chichis que nous, humains, faisons de façon perpétuelle pour l'esthétique ne connait comme facteur multipliant que la quantité d'individus présents sur les surfaces riches de la planète. L'esthétique, en fait, c'est l'apogée de cette manie que nous avons d'émettre un goût et un jugement sur tout, sans même connaître particulièrement quelque chose. Quand je vous donnais il n'y a pas si longtemps mon point de vue sur les préjugés, je voyais déjà se profiler à l'horizon de mon inspiration - discutable, certes - quelques mots sur l'esthétique car cette dernière est bien souvent à l'origine des préjugés. Nous sommes tous, et ce parfois malgré nous, des experts en la matière de coller des étiquettes pourvoyées de notre carte de visite un peu partout. Comme cela doit vous apparaître (!), je n'aime pas l'esthétique. Ce n'est pas que j'eusse des goûts de patate - tout recul non gardé -, mais que je n'apprécie pas l'exception faite pour l'esthétisme. J'écris cette nouvelle élucubration en regardant un de ces films américains où les pomettes, le nez et les yeux figurant sur la tête d'affiche compte plus pour les futurs téléspectateurs que ce que l'on sait ou qu'on imagine sur le film susdit. Dans les milieux où il arrive qu'on réfléchisse, on dit que plus de la moitié des films à gros budget compte plus sur ses acteurs que sur une autre caractéristique pour séduire le public. En fait, j'écris cet essai en toute conscience de son manque... d'esthétique, justement (comme tous mes autres écrits d'ailleurs). Et c'est parce que je tente de repousser loin de moi l'esthétique et ses règles contraignantes que j'aime à écrire ainsi.

Mais revenons à nos moutons. Après cette indroduction aussi longue qu'inesthétique, je dirais que l'esthétique dirige en grande partie notre vie en société. Si vous en avez l'occasion, plongez-vous dans la lecture de n'importe quel cahier des charges concernant un produit matériel : jamais l'esthétique n'est oubliée, même si plusieurs autres caractérstiques le sont (genre utilité, efficacité, égonomie, prix, etc.). Car nous savons tous que l'esthétique constitue le meilleur appât pour populace qui existe, ex aequo il est vrai avec la publicité. Mais cette dernière joue énormément sur l'esthétique, visuelle et/ou auditive : vous avez sans doute remarqué combien la publicité est beaucoup moins convaincante à la radio qu'à la télévision. Les ondes sonores ne permettant pas de transmettre les images, et par conséquent l'esthétique visuelle du produit, l'appât perd beaucoup de sa vivacité. Les personnes qui travaillent à faire de la publicité à la radio ont à la fois tous mes encouragements et toutes mes critiques. Tous mes encouragements parce que créer de la publicité originale et intelligente rien qu'avec du son relève à mes yeux de la véritable gageure. Toutes mes critiques cependant car je trouve que les spots radio deviennent de plus en plus ridicules avec le temps. Des ricanements stupides, un réel manque de sérieux et des mensonges exhorbitants, voilà ce que nous réserve la pub radio d'aujourd'hui et surtout de demain. Pour clore en beauté cette parenthèsuscule sur ce qui constitue près de 10% de ce que nous infligent les médias, je citerai Renault (oui oui, l'usine représentatrice du travail à la chaîne français d'antan) qui a, il faut le faire, osé balancer comme ça et juste avant de vanter les mérites de leurs supErbes promotions : "En ce moment, les pubs pour les voitures, c'est vraiment n'importe quoi ! Un tel propose un jour "plus", alors un autre annonce son jour "extra", etc. Mais le club affaire Renault, lui..." (sic).

En bref, on peut dire que l'esthétique, c'est l'art d'exciter les préjugés des gens et elle peut être utilisé aussi bien pour convaincre quelqu'un que tel ou tel objet ou service est "cool" ou parfois hélas pour convaincre une autre personne que nous sommes "bien" sur de simples apparences. Ainsi, les hommes s'habillent de la façon la plus branchée possible et les femmes se couvrent la bouille de maquillages bizarres et de parfums plus repoussant les uns que les autres. L'esthétique, c'est une façon de cacher sa peur de déplaire car on sait que l'espect des choses - ou des personnes - compte plus que les autres. Et à c'est cela même que s'adresse ma critique d'aujourd'hui : nous nous servons trop de nos yeux et les gens peu scrupuleux l'ont compris. Par exemple, la centralisation des magasins a entre autres pour objectif de ne pas laisser les clients le temps matériel de se demander si les achats qu'ils envisagent sont justifiables : combien d'entre nous se retrouvent avec beaucoup plus de marchandise que prévu ? La raison de notre esprit critique est bien souvent trop masquée par le monopole trop fréquent de nos yeux sur notre cervelle.

Il n'existe hélas pas beaucoup de remède à ce problème de la vie en société. Il faudrait commencer par être un peu plus prudent nous même d'une part, et d'autre part essayer d'être un peu plus respectueux envers les gens plus impulsifs que les autres. Je ne dis pas qu'il faudrait bannir l'esthétique sinon je dirais par la même occasion qu'il faut bannir l'art et l'artisannat. Contentons-nous de ne pas en profiter tant que nous en sommes encore capables.


La Musique (05/08/97)

Ah, la musique. Avec tout ce que j'ai déjà écrit sur le sujet, vous deviez vous attendre à ce que je vous ponde quelque chose de dédié à ce sujet. Bon, je ne vais pas chercher à vous donner une définition du mot "musique" parce que, primo, nous avons tous la représentation interne de l'idée qui nous est propre et parce que, secundo, je trouve qu'aujourd'hui, la musique n'est plus grand-chose. Oui, vous avez bien lu. Je trouve que la musique perd petit à petit son statut d' "art" au profit de celui d'un business malsain dans lequel nous y laissons notre esprit critique, notre argent et nos oreilles. Heureusement qu'il subsiste quelques artistes authentiques qui voient encore la musique comme un moyen de toucher la société et d'espérer la voir évoluer. Hélas le nombre autant que le pourcentage de compositeurs qui se contentent d'une vision lucrative de ce qui est censé adoucir les moeurs mais qui, sous l'effet de cette pression dans le robinet du gain n'ammène en général plus de décadence que de prise de conscience positive des gens. Personnellement, je n'échangerai pas les 12 grammes que représentent mon CD de Starmania contre un kilo de musique "pour jeunes" américaine.

Chacun a sa propre vision de la musique et de chaque auteur mais gardons tout de même un peu de recul. Vu le pourcentage étonnant de visiteurs qui aterrissent sur mon site à la recherche d'informations sur Starmania, je pense m'adresser à des lecteurs pour la plupart un tant soit peu attachés à la chanson francophone. Ceux-ci se rappelleront sans doute du bon vieux temps, quoique pas si vieux que ça, où la majeure partie des chansons étaient porteuses d'un message, voire d'une conscience. Aujourd'hui, force nous est de constater que les auteurs ont jugé cet aspect de la musique inutile. Et avec un peu plus de recul encore, on s'aperçoit que cette perte inquiétante correspond sur l'échelle temporelle (donc logique) à l'invasion de la mode des States. Je ne suis pas en train de critiquer toute la musique américaine, bien sûr, et je reste le plus respectueux du monde envers les pionniers du blues et du jazz à la façon Nouvelle-Orléans. Mais, à la fin, d'où viennent ces répugnances bruyantes dignes d'une oreille non fonctionnelle dont nous bombarde les radios qui se veulent guider les jeunes ? La magie du talent de composition s'est effacé derrière une volonté de vendre et de toucher les jeunes dans leur absence d'esprit lors des soirées passés à guincher sous les projecteurs dont la lumière est ternie de fumée de cigarettes.

Difficile de mesurer précisément l'ampleur des dégâts : les belles chansons à texte ont piteusement laissé leur place à des immondicités de voix enregistrées, bidouillées et encastrées sur des instrumentations toutes pareilles et les airs grandioses de la musique classique et de musique de recherche ont été destituées par des amas de sons tous plus synthétiques et psychédéliques les uns que les autres et dont la constante n'est plus l'harmonie mais la béance du vide qu'elles laissent dans notre esprit. Pour se convaincre d'où vient cette maladie (que tout cerveau techno-cartésien appellerait volontiers cancer) généralisée de la musique insignifiante et lucrative, il suffit tout d'abord de voir la langue du nom qui est donné à chaque genre : dance, country, techno, pop, dream et j'en passe. Si vous n'êtes pas convaincu (c'est vrai, blues, jazz, rock, c'est aussi de l'anglais), considérez quelle langue représente plus de 90 % de la musique mondiale : de l'américain. Et un américain fort médiocre en général. Cette invasion yankaise est tellement forte que le gouvernement français s'est vu forcé d'imposer à toute radio métropolitaine de diffuser au moins 40 % de musique française. J'aimerais d'ailleurs dire quelques mots sur le sujet. Inutile de chercher bien loin un jeune qui vous dira en substance que cette règle est aberrante "parce qu'une radio est censée passer ce qui plaît à ses auditeurs". Savez-vous, chères têtes au crâne de plus en plus souvent rasé et à la barbe de plus en plus souvent fournie, qu'avec de tels propos vous mettez en danger une francophonie qui a mis un temps fou à se construire ? Si notre belle langue française, qui s'est enrichie depuis plus de 2000 ans, devait disparaître à cause des chansons américaines, je serais le premier à proposer une guerre éternelle aux Américains, incapables de mesurer les dangers de leurs et aux jeunes français, incapables de discerner ce qui vise la culture de ce qui vise le fric.

A propos de langue, je suis toujours pris d'un fou rire inextingible chaque fois que ma télé m'affiche ce que les esprits bien américanisés appellent "Boys Band" (pour ma part, je préfère les appeler par les initiales du terme) en train de faire semblant de chanter des chansons françaises. Je dis semblant de chanter parce que ces gars-là sont les champions du play-back. C'est vraiment à croire que la mode pourtant si charmante Kaas-Dion a salement déteint sur ces américains friands de la bonne fricaille parfumée des cris aigus de leurs admiratrices françaises. Ces groupes de jeunes sont tous pareils : grands, beaux et musclés, ils se trémoussent sur de la musique très populaire en laissant ouvert leur chemise sans rien en-dessous. Quelle vulgarité que celle d'attirer l'attention sur leur corps à d'avoir une chanson intéressante tout en remuant les lèvres en parallèle à des albums déjà enregistrés et accessoirement en donnant la faible impression de croire à ce qu'on leur fait dire ! Car vous n'êtes pas sans savoir qu'une grande majorité de ces groupes sont montés de toutes pièces par des castings qui se décomposent en quatre étapes : look du visage, musculature, voix et enfin la capacité à répéter des réponses toutes faites et fausses à l'intention des journaliste en vue de faire croire aux admirateurs qu'on est un groupe de "vieux copains". Quant à écrire eux-mêmes leurs chansons, les B.B. sont loin d'avoir le talent pour le faire. Faut pas trop en demander, quand même.

Mais, allez-vous me demander, qu'est-ce qui fait de quelqu'un un véritable artiste de la musique ? Comment reconnaître un artiste d'un mange-fric ? Eh bien c'est simple. Le mange-fric musical frappe un grand coup qui lui rapporte quelques tout petites centaines de milliers de dollars puis disparaît. Bon nombre de ces auteurs se sont cantonnés à un album qui a cartonné. Et s'ils ont essayé d'en faire un deuxième, il a souvent fait un flop. L'artiste, lui, a écrit plusieurs dizaines de chansons, a engregistré des duos, des musiques de film et a effectué des tournées. Et surtout l'artiste est capable d'écrire une chanson tout seul. Cabrel, Goldman, Souchon et tant d'autres écrivent depuis plus de 10 ans et parfois même plus de 20. Et ils sont toujours autant appréciés. Un bon point supplémentaire à Goldman qui donne ses chansons à divers interprètes (même aux B.B., c'est dire). En résumé, on peut dire que la musique est un milieu dans lequel il y a les esquifs transporteurs des trésors de mondes de l'inspiration que le commun des mortels ne connaît pas et les cargos pleins de produits plus industriels que manufacturés lorsqu'ils s'approchent des côtes européennes et bourrés d'argent en retournant aux pays du soleil couchant.


Les Retombées du Progrès Informatique (05/10/97)

L'informatique, on le sait, c'est le secteur qui évolue le plus vite à notre époque. Pour s'en convaincre, il suffit de considérer à quelle vitesse on est passé de la carte perforée au disque dur aussi petit qu'un porte-clefs et du poste informatique occupant une salle (et sur lequel on pouvait, à cause de la chaleur qu'il dégageait) faire cuire un oeuf, à des micro-ordinateurs personnels et indépendants, qu'on peut même transformer en station de travail Internet, accessible depuis le monde entier. L'informatique, c'est sans doute aussi, si on excepte la recherche militaire, le secteur dans lequel le plus de dollars est investi. Et pour cause : la vente d'ordinateurs, toutes marques confondues, ne cesse d'augmenter au rythme apparemment incontrôlable de plusieurs dizaines de pourcent chaque année. Mais on est en droit de se demander ce que ça finira bien par donner. J'ai réfléchi à trois aspects des conséquences de ce progrès à l'augmentation exponentielle.

Tout a commencé quand je me suis demandé ce que seraient les jeux vidéo dans 10 ans. Ce n'est peut-être qu'un aspectuscule en matière d'évolution informatique mais je trouve que ça en constitue un bon exemple. Rappellez-vous l'époque des premières bornes d'arcade genre Pac-Man ou Space Invaders. Les riches privilégiés qui avaient de quoi acheter les version pour téléviseur domestique de ces jeux passaient beaucoup de temps dessus et faisaient des tournois. Les jeux n'étaient franchement pas beaux, c'est pourquoi les créateurs de jeux devaient énormément compter sur leur imagination pour palier le problème de la réalisation. L'intérêt des jeux devait être solide et original. Aujourd'hui, les choses n'ont pas beaucoup changé, sauf que les jeux sont bien plus beaux, bien plus grands et bien plus jouables. Mais le problème de l'évolution constante des plate-formes, c'est que de plus en plus de développeurs pensent que la réalisation et l'intérêt d'un jeu ont tous les deux le même coefficient dans la note globale qu'on peut donner au jeu en question. Ce qui fait que nous avons des jeux très (très) beaux mais qui perdent l'un après l'autre cette magie dont faisaient auparavant preuve les développeurs. On ne compte plus les jeux estampillés d'une numéro "2" qui se sont révélés être bâclées, alors qu'ils avaient fait un évident progrès au niveau réalisation par rapport à leur première mouture. Les conséquences sont dès lors assez facilement envisageables : dans dix ans, les consoles des jeux seront toutes les mêmes du point de vue technique. Les jeux aussi seront tous très beaux et très réalistes mais hélas tous conçus de la même façon et dans une même optique. Le phénomène que j'appellerais "Ridge-Racer-PSX" (un jeu porté sur console qui a donné naissance à un bonne vingtaine de jeux rigoureusement pareils) est là pour nous montrer que ce n'est pas toujours le jeu le plus original et portant le plus d'intérêt qui l'emporte. Autrement dit, les derniers renégats de l'art ludique genre Nintendo Neo Geo se feront de moins en moins nombreux. Au détriment de la créativité des joueurs.

Tout s'est ensuite pousuivi par un roman d'Asimov qu'un de mes amis m'a raconté. A l'issue de son exposé, je me suis demandé si tout ce qu'on mettait au point dans les télécommunications et dans l'automatisation nous mènerait forcément vers quelque chose de mieux dans la société. Comme l'a si bien dit Pierre Grumberg, les hommes hier libérés par les robots de leur lourde tâche industrielle pointent aujourd'hui à l'ANPE et tout ce qui est téléphone ou noeud de communication sur Internet est contrôlé par des ordinateurs. Même certains véhicules pour arroser les champs sont programmés pour aller le plus vite possible, en gaspillant le moins possible. On peut dont sans crainte de se tromper imaginer que dans quelques années, l'aspirateur se passera automatiquement chez vous et que les chauffeurs de taxi seront remplacés par des engins sur roues dirigés par satellite. Mais si on va plus loin encore, on peut alors imaginer que plus tard, les robots se mettront à faire de la politique (puisque les politiciens nous répètent que leur métier est des plus logiques), et pourquoi pas toucher bientôt à l'art (puisque la façon dont telle réalisation touche tel personnage peut être étudiée de façon scientifique). Se faire servir de façon ultra-rapide dans un restaurant sans crainte de se voir servir l'assiette du voisin peut-être très enthousiasmant mais un peu moins si la cuisine elle-même est faite par un robot à quatre bras (pour en faire deux fois plus, deux fois plus vite) ! Les centraux téléphoniqes automatiques ont remplacé les opératrices de téléphone et c'est bien passé dans les moeurs parce que la crainte d'être espionné était désagréable. Mais celle de remplacer les ingénieurs passerait sûrement moins bien.

Tout s'est ensuite terminé alors que le film bien connu du nom de "Terminator 2" repassait sur une chaîne du satellite. Pour ceux qui auraient oublié, ce film raconte l'histoire de l'ascension fulgurante des machines qui finalement s'appropriaient les fonctions primordiales de la société comme le commandement de guerre et la fabrication d'armes et de véhicules. La guerre entre humains et machines était dès lors déclarée et jamais l'humanité n'avait été si brusquement reléguée au rang de second sur la terre. Récemment encore, je vous demandais votre avis sur la question de voir un jour des ordinateurs égaler, voire dépasser, des êtres humains. Objectivement, il faut bien reconnaître que c'est une possibilité à ne plus écarter. Imaginons alors la situation. Aujourd'hui, les humains sont les plus intelligents, et ils le savent. Imaginons qu'une quelconque espèce vienne à remettre ce titre en question, et l'homme se ferait un plaisir d'écrabouiller ce tas de cellules sous-développées sous son talon. Logiquement, si les ordinateurs venaient à devenir plus intelligents que nous, c'est ce qu'ils feraient avec l'humain, histoire de lui faire savoir qui serait désormais le plus fort. Aussi, devant cette inquiétante montée en puissance de ces machines qui nous remplacent aujourd'hui petit à petit, l'homme devrait réagir. Mais il ne le fait pas. Pourquoi ? Parce que c'est lui-même qui a créé son malheur. Si les mammifères ont pris le dessus sur les reptiles il y a 65 millions d'années, c'est parce qu'ils ont eu de la chance. Mais si demain, les machines venaient à s'en prendre à nous, nous n'aurions pas d'excuse.


Les Amitiés Virtuelles (31/12/97)

Depuis le temps que je m'étais promis d'écrire quelque chose sur les amitiés virtuelles, je me lance aujourd'hui, à l'aube de l'Année Nouvelle. Attention, n'allez pas comprendre que je ne voulais pas le faire. Seulement, c'est un sujet à mon avis si vaste sur lequel je pourrais m'éterniser, si actuel est si délicat que je n'osais jusqu'à présent tenté d'écrire quelque chose dessus sous ma plume d'amateur.

Avant de commencer, je vais vous faire part de la définition que je donne au terme d' "amitié virtuelle", et donc à celui d' "amitié réelle", car, c'est à savoir pour bien comprendre la suite, ces termes sont les deux combattants que je mets dans l'arène de mon cahier aujourd'hui. Je définis une amitié virtuelle comme une amitié entre deux personnes qui ne se sont jamais vues, jamais touchées, jamais parlées directement. Une amitié est donc virtuelle si elle a pour médiateur des lettres, le téléphone, un tiers-personnage ou internet. Je vais plus précisément me pencher sur les amitiés virtuelles internautes, car c'est celles qui se comptent en plus grand nombre aujourd'hui, ce qui ne fera que s'accentuer dans les années à venir avec toutes ces campagnes de "Netisation" et cette mode qui suivent de près le Réseau. Toute amitié incluant une seule et unique entrevue ou contact est donc considérée comme réelle.

Figurez-vous qu'avant d'écrire ce textuscule, j'ai moi-même posé à certaines de mes connaissances (réelles ou internautes, bien évidemment) la question suivante : "Voyez-vous des différence(s) entre une amitié virtuelle (qui n'existe que par le biais des réseaux) et une amitié réelle ? Si oui, lesquelles ?" (si vous-même souhaitez répondre à cette question, je suis bien entendu à l'écoute de votre avis). Dans les 5 réponses que j'ai reçues (il y a quand même des gens sympa, non ?), il y a deux arguments qui reviennent à chaque fois. Le premier est que les amitiés sur le Net se passent des préjugés basés sur l'apparence des gens. Ca vous semble peut-être anodin comme élément, mais je pense moi aussi que c'est là une des différences essentielles entre une amitié virtuelle et une amitié réelle. Le deuxième argument est celui de la volonté. En effet, un internaute qui se rend sur un forum de discussion y va en général avec l'envie d'établir des contacts par la parole, ce qui implique une plus grande facilité de se lier avec les autres, contrairement à la vie de tous les jours où l'on doit supporter la mauvaise humeur de certaines gens.

Je vous ai déjà parlé des préjugés, c'est pourquoi je vais mettre à profit ma pensée à ce sujet pour approfondir les opinions dont on m'a fait part. Personne ne pourra nier que toute amitié dépend non seulement du caractère des deux personnes amies mais aussi de leur apparence. De fait, on parle plus facilement à quelqu'un qui nous "plaît" extérieurement qu'à d'autres. Imaginez maintenant une amitié dont ces préjugés sont bannis, tout simplement parce qu'ils n'ont pas lieu d'être et vous obtenez une amitié virtuelle, car les préjugés sont indissociables de la vue d'une personne. Une personne vue est une personne jugée. Bien entendu, il demeure certains éléments sur lesquels se fier avant même d'engager la discussion avec un internaute comme son pseudonyme, mais ces éléments sont négligeables car on ne peut les fixer à un visage. Vous conviendrez dès lors qu'une amitié virtuelle est plus "pure" qu'une amitié réelle.

Reprenons maintenant le deuxième argument qui m'a été donné. Il est vrai qu'une personne désireuse de se faire des amis est bien plus facile à approcher qu'une personne indifférente. Et comme Internet est un monde virtuel où nous pouvons contrôler consciemment les moments où nous nous y projetons (contrairement à la vie réelle où nous sommes inéluctablement fixés), la seule présence d'une personne sur un lieu de discussion témoigne de sa volonté d'établir des contacts humains. D'autant plus que sur Internet, on est bien plus libre de l'impression qu'on donne aux autres que dans la réalité, justement parce que les préjugés des autres sont bien moins efficaces. On pourra dès lors aisément se faire passer pour une femme si l'on est un homme et vice-versa.

Considérant ces arguments, on peut aisément arriver à la conclusion qu'une amitié virtuelle est plus sincère qu'une amitié réelle. Si une amitié virtuelle se base en effet sur quelque chose de plus fiable que les préjugés réels, l'absence de contact direct avec l'ami peut conduire à l'oubli plus ou moins conscient. "Loin des yeux, loin du coeur", chante un dicton populaire, ce qui s'avère - malheureusement, je vous l'accorde - bien souvent vrai. Mais la véracité potentielle de cette affirmation n'est pas le but que je poursuis avec cet essai. Non, le point sur lequel je tiens à assister est celui du passage d'une amitié à l'autre. Je sais, par expériences personnelles et racontées, que bon nombre d'amis virtuels n'ont jamais pu se lier dans la réalité et que des amis réels n'ont jamais cherché à se rejoindre sur Internet. Il faut cependant reconnaître que le premier cas est plus fréquent que le second.

C'est contre cette impossibilité beaucoup trop fréquente que je m'insurge. Pourquoi un ami virtuel ne pourrait pas devenir un ami réel ? La réponse est évidente et claque d'un coup, terrible : c'est les préjugés. Ah, le méchant mot. L'amitié sincère qu'on peut porter à une personne en ne connaissant que son caractère internaute est souvent bafouée par l'impression qu'on a de cette même personne en la voyant. Et c'est là que le bât blesse : on nous dit qu'Internet sépare les hommes. Possible, mais c'est bien PARCE QU'il faut retourner à la réalité que cette sentence se vérifie.

Remerciements amicaux à Pascal B., Louis H., Gaëlle Q. et Cynthia B.


Celeri